Durant deux jours, l'hôtel J5 Helvétie, à Montreux, a accueilli une trentaine de spécialistes du tourisme et de l'hôtellerie-restauration pour parler intelligence artificielle. «Comme chaque innovation, cela apporte des éléments positifs mais aussi des risques supplémentaires. Il ne s’agit pas de rejeter mais au contraire de mieux comprendre et de retenir les éléments utiles et importants qui vont conditionner nos manières de travailler et modèleront le tourisme de demain», écrivent les organisateurs sur le site de l'événement annuel dont GastroSuisse est partenaire. Fondé par le conseiller national et ancien syndic de Montreux Laurent Wehrli, le MITF a pour but de réunir les responsables des divers secteurs du tourisme et de l’accueil et de développer les réflexions indispensables ainsi que les échanges de bonnes pratiques pour faire face aux défis, nouveaux ou renouvelés.
Le 8 novembre, quatre intervenants sont montés sur scène pour tenter de répondre à la question qui taraude tous les professionnel.le.s de la branche et qui était déjà au programme de l'édition 2022: «Ressources humaines: quelles solutions pour combler le manque actuel?». Avant de leur donner la parole, Laurent Wehrli – qui jouait aussi les modérateurs cette année – a salué la présence de «plusieurs représentants du tourisme du bassin lémanique des deux côtés de la frontière».
Barbara Albrecht, membre de la direction de Suisse Tourisme, a été la première à s'exprimer lors de ce MITF 2023 afin de présenter tant les analyses que les objectifs de l'organe de promotion. «Le tourisme suisse s'est bien remis, malgré le devoir de stabiliser les nuitées en Suisse», a-t-elle lancé, ajoutant que 50% des lits sont disponibles à travers toute la Suisse. Parmi les choses qui peuvent être mises en place pour doper le taux d'occupation: «Il ne faut pas seulement se concentrer sur les nuitées qui sont générées pendant un séminaire, car nous savons qu'aujourd'hui au moins 60% des délégués qui participent à un business event ou qui viennent dans le cadre d'un voyage d'affaires individuel en profitent pour prolonger leur séjour», a indiqué l'experte. Parmi les raisons de cette situation, selon Barbara Albrecht, les vols sont devenus beaucoup plus chers, le temps est devenu beaucoup plus précieux et le télétravail est grandement facilité depuis la pandémie. «Pour faire en sorte que les visiteurs restent le plus longtemps possible en Suisse, il s'agit d'offrir du bleisure travelling soit une offre spéciale destinée aux voyageurs d'affaires qui souhaitent aussi profiter d'activités de loisirs durant leur séjour.»
Puis, quatre intervenants se sont succédé au micro pour présenter différentes solutions face à la pénurie de personnel. Martine Hofstädter, chercheuse à la HES-SO Valais/Wallis, a présenté les résultats de quatre études et enquêtes. Parmi elles, une enquête 2022-2023 réalisée auprès des collaborateurs de l'hôtellerie-restauration qui révèle l'importance pour les jeunes de la reconnaissance du travail fourni ainsi que l'équilibre entre vies professionnelle et privée, notamment. «Pour ces collaborateurs, la satisfaction est en dessous de ce qui est attendu, même si 80% des sondés se disent satisfaits de travailler dans l'hôtellerie-restauration.» Une autre enquête, réalisée auprès d'employés de tous secteurs, met en évidence ce qui les pousse à changer d'employeurs: des motivations salariales, une recherche de meilleurs horaires de travail ou encore un poste avec davantage de responsabilités. «Une majorité des sondés estime que leur charge de travail est trop importante, voire excessive», a indiqué Martine Hofstädter. Quant aux pistes pour combler le manque de main-d'œuvre, la chercheuse a résumé: «La marge de manœuvre pour une augmentation salariale est souvent faible, donc c'est vraiment sur les autres facteurs de satisfaction qui attirent les jeunes qu'il va falloir travailler, soit pour attirer de nouveaux collaborateurs, soit pour fidéliser ceux qui sont en place. En somme, il s'agit d'investir sur le bonheur de vos employés.» Comment faire concrètement? Martine Hofstädter a donné quelques pistes à l'auditoire, comme redéfinir et valoriser l'image du travail, donner du sens au travail, valoriser l'image de l'entreprise, développer la marque employeur ou encore mettre en avant le facteur humain.
Marie Forestier, vice-présidente d'Hotelleriesuisse, a rappelé les trois piliers centraux sur lesquels son association travaille pour lutter contre la pénurie de main-d'œuvre: le recrutement, la formation et la fidélisation. Il s'agit également d'exploiter «d'autres potentiels» plutôt que de miser sur la main-d'œuvre qualifiée uniquement, comme des personnes qui souhaitent effectuer une reconversion professionnelle. Quant à l'intelligence artificielle, Hotelleriesuisse est convaincue que c'est un outil qu'il faut développer, parce qu'elle «permettra un gain de productivité et donc de pouvoir palier la pénurie de personnel».
Après avoir rappelé l'existence du Plan en 5 points mis sur pied par GastroSuisse, la nécessité de «travailler ensemble» (avec Hotelleriesuisse, avec les services de formation, avec les politiques), Stève Delasoie s'est penché sur un point essentiel pour remédier au manque de personnel: s'interroger sur l'image que les jeunes ont des métiers de la branche. Pour ce faire, GastroValais a créé une commission ad hoc et, parmi les idées qui sont sorties, c'est celle de créer un manga japonais qui a le plus convaincu. Résultat: ce manga est en phase de création et il va sortir en décembre. Le directeur de GastroValais a également rappelé la création de l'émission de télé «Futurs Chefs», dont la première saison a été diffusée cette année, et qui vise aussi à attirer les jeunes vers les métiers de l'hôtellerie-restauration.