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"Tout vient à point à qui sait attendre ..."
«Le défi de mon père a été de produire des vins suffisamment mûrs; le mien sera de les rendre à nouveau délicats et équilibrés», indique Olivier Clape. Un grand contraste entre la philosophie de seulement deux générations. Cela est dû au changement climatique qui impose de repenser la viticulture et la vinification dans presque toutes les régions viticoles du monde. Le vigneron succède à son père avec pour objectif de préserver l’élégance et la finesse des vins, traits caractéristiques de la Maison Clape.
Famille de vignerons depuis plusieurs générations à Cornas, les Clape vinifient dans le plus grand respect des traditions, en utilisant toujours des raisins non éraflés. Leurs vins, lorsqu'ils sont jeunes, sont souvent austères et indomptables. Olivier souhaite ériger le vieillissement en bouteille comme un standard pour certaines de ses cuvées, permettant ainsi aux clients d'acheter des vins prêts à boire. En effet, de moins en moins de consommateurs sont disposés à laisser mûrir leurs vins. «Ce choix permet également aux cuvées de digérer l'exubérance résultant de l'augmentation des teneurs en alcool et de la structure due au réchauffement climatique. Bien que les raisons économiques et logistiques ne permettent pas à tous les vignerons de stocker leurs vins pendant de longues périodes, cette approche pourrait être une solution pour éviter d’arrêter de produire du vin dans des régions devenues trop chaudes, ou pour éviter d'arracher les vignes afin de changer de cépage.»
C'est dans ce contexte, que l'on comprend l'importance du vieillissement. Au fil des millésimes, on découvre que cette exubérance de jeunesse et de puissance permet à ces bouteilles de traverser non seulement les années, mais aussi les décennies avec une grâce impressionnante. Lors de ma dégustation avec la famille Clape, le premier vin à avoir finalement atteint l'équilibre parfait était le millésime 1998, après avoir goûté les millésimes sur fût de 2023, ainsi que ceux de 2022, 2021, 2019, 2011 et 2007. Ce vin présente un nez épicé et élégant qui rappelle presque la Bourgogne. En bouche, les saveurs sont encore vibrantes et persistantes, avec des tannins désormais fondus qui n'indiquent pas la fin du voyage. Le milieu de bouche est généreux et soyeux, avec une pointe de sucrosité qui évoque encore la finesse bourguignonne, et une finale incisive et tonique, malgré ses 26 ans.
Située entre Lyon et Marseille, la région des Côtes du Rhône est très vaste et se divise en deux parties distinctes: le Nord et le Sud, qui possèdent peu de choses en commun si ce n'est la Syrah, la Marsanne et la Roussanne. À part cela, rien ne laisse penser qu'il s'agit d'une même région viticole.
Le Nord se caractérise par un climat continental, un terroir granitique et une diversité de cépages restreinte. En blanc, on trouve du Viognier dans les appellations Condrieu et Château Grillet. Dans le reste de la région, on cultive de la Marsanne et de la Roussanne. Pour les vins rouges, la quasi-totalité du vignoble est plantée avec le cépage Syrah. Le Sud des Côtes du Rhône, quant à lui, est caractérisé par un climat méditerranéen et un sol calcaire, avec un encépagement beaucoup plus varié selon les zones géographiques.
Je débute mon itinéraire par la partie septentrionale. Cette région commence à Vienne et s'étend jusqu'au sud de Valence. Le lien entre le Nord et le Sud est le Rhône, qui longe toute la zone viticole. La viticulture y a véritablement pris son essor dans les années 1980. Avant cela, il s'agissait souvent d'une polyculture comprenant des légumineuses, des arbres fruitiers et un peu de vigne. L'essor des caves coopératives et le succès commercial de certains domaines ont marqué le début d'une époque prospère pour les vins du Rhône.
Bien que l'encépagement soit le même dans toute la région, le caractère des vins change selon les différentes appellations. Tout au nord, dans les Côtes-Rôties, les Syrah sont souvent droites et austères, ce qui est un avantage en cette période de réchauffement climatique, rendant ces vins très recherchés.
En longeant le Rhône vers le sud, on arrive à Condrieu. Cette appellation produit uniquement des vins blancs à base de Viognier, un cépage autochtone au caractère aromatique et généreux. En parcourant le vignoble de Condrieu, on peut apercevoir le mythique Château Grillet, qui n'est pas seulement un domaine, mais également une appellation à part entière en raison de son caractère unique et de la qualité supérieure de ses vins.
En continuant vers le sud, on trouve une longue bande de vignes à l'ouest du Rhône constituant l'appellation Saint-Joseph. Cette AOC est aussi belle que complexe, grâce à ses différentes expositions, terroirs et climats. Ici, la Marsanne et la Roussanne en blanc et la Syrah en rouge règnent en maîtresses. Les vins du nord de l'appellation ont un caractère tonique, vibrant et délicat, tandis que ceux du sud sont plus généreux et souples, avec une profondeur et une structure accrue.
À hauteur de Tain-l'Hermitage, nous voici face à la fameuse colline de l'Hermitage, où sont produits certains des blancs et des rouges les plus réputés au monde.
L’Hermitage une philosophie contre tendance
Alors qu’en Bourgogne la tendance est de produire de plus en plus de cuvées parcellaires, la tradition sur la colline de l’Hermitage, et plus particulièrement au domaine Jean-Louis Chave, est d’assembler les différentes parcelles. En effet, durant mon séjour dans la région de l'Hermitage, j'ai eu l'immense privilège de déguster les vins de Jean-Louis Chave. La dégustation commence par un aperçu de chaque lieu-dit, tous vinifiés séparément. Ensuite, Jean-Louis Chave présente son unique Hermitage (blanc comme rouge), fruit de l'assemblage de toutes ses parcelles. Bien que chaque vin parcellaire pourrait se suffire à lui-même, selon lui, l'harmonie, la complexité et la profondeur de l'assemblage surpassent l'individualité de chaque cru.
En continuant vers le sud en direction de Valence, on trouve l'appellation Crozes-Hermitage, la plus étendue du Rhône Nord et aussi la plus hétéroclite. Ici, les vignes sont plantées aussi bien sur des coteaux qu'en plaine, donnant des vins aux caractéristiques très différentes. Il est possible de déguster de grands vins complexes et élégants, mais aussi des vins plus rustiques et moins qualitatifs, ce qui rend l'image des vins et la compréhension du terroir complexe.
Juste avant d'arriver à Valence, nous trouvons les deux dernières appellations de la région: Cornas et Saint-Péray. Ces deux régions se sont réparti les tâches concernant la production des vins. Cornas produit uniquement des rouges, tandis que Saint-Péray produit des mousseux et des blancs. Les Syrahs de Cornas sont sans doute les plus rustiques et puissantes du Rhône Nord. Ce qui distingue principalement ces vignes des autres appellations du Nord du Rhône est leur climat unique. Situées dans une enclave où le Mistral – ce vent rafraîchissant typique de la région – n'atteint pas les vignes de Cornas, créant ainsi un microclimat particulièrement chaud. Cet environnement permet aux raisins de développer une puissance et une structure plus marquées, donnant naissance à des vins au caractère corsé et robuste.
