Trois lustres d’une Parenthèse enchantée

Nicolas Bringolf – 12 octobre 2022
A La Chaux-de-Fonds, Christelle Huguenin et Ludovic Garnier perpétuent depuis 15 ans l’esprit créatif qui a toujours régné à La Parenthèse. Leur cuisine séduit autant la clientèle régionale que certains guides spécialisés. Tranches de vie d’un couple de passionnés.

Les bancs d’école, même professionnelle, sont source de découvertes, de rencontres. Au milieu des années 1990, Christelle Huguenin, apprentie cuisinière au Grand Hôtel Les Endroits, à La Chaux-de-Fonds, fait la connaissance d’un autre jeune «toqué en herbe», Ludovic Garnier, en formation au Beau-Rivage Hotel, à Neuchâtel. Quelques mystérieux ingrédients les rapprochent …
CFC dans leur besace respective, Ludovic poursuit son activité au Beau-Rivage en tant que commis alors que Christelle se lance dans une spécialisation en diététique. Le tandem met ensuite le cap sur les rives du Léman, du côté de Montreux. Christelle a en effet trouvé un job à la brasserie du Montreux Palace, dirigée alors par Philippe Guignard, et Ludovic à l’Hôtel Victoria, à Glion.

Festival d’émotions en tout genre
«Chez Guignard, après un CFC, c’était une belle maison pour travailler, une expérience découverte idyllique. J’avais beaucoup de plaisir. La brasserie a cependant fermé au bout de six mois», note Christelle. Pour Ludovic, c’est la soupe à la grimace. «J’ai compris, dès le premier service, que l’endroit n’allait pas me convenir.» Dépité, il finit néanmoins la saison.
Christelle rebondit à l’Hôtel Intercontinental – désormais Royal Plaza Montreux – où elle réussit à faire entrer Ludovic. Le duo reste près de quatre ans dans cet établissement où règne, semble-t-il, «une atmosphère très bon enfant».

«Géniteurs» d’un petit bistrot
Les parents de Ludovic font alors une proposition aux deux maître-queux qui entendent mettre un terme à leur escale sur la Riviera vaudoise: développer l’espace café de leur boulangerie à Saint-Blaise (NE) en un petit bistrot. Ainsi naît Le Café gourmand. «On avait carte blanche. Ça a été une très belle rampe de lancement. On y a découvert le plaisir d’être indépendants dans notre boulot et d’y laisser libre cours à notre créativité.» L’aventure va cesser au bout de quatre ans.
Le couple a en effet repéré dans la presse qu’un restaurant est à remettre. Christelle et Ludovic sont intéressés mais estiment que c’est trop tôt pour se manifester. Huit mois s’écoulent. La même annonce paraît à nouveau et ils prennent contact. Ils connaissent l’établissement pour y avoir mangé et en gardent d’agréables souvenirs. «On trouvait l’endroit convivial, chaleureux, avec son caractère intimiste et sa salle à manger aux teintes méridionales.»

Une Parenthèse en plusieurs chapitres
Quelques mois plus tard, le temps d’effectuer certains ajustements, Christelle et Ludovic ouvrent un nouveau chapitre de leur histoire et de cette Parenthèse à la réputation bien ancrée dans l’esprit des épicuriens. Intelligemment, le tandem ne bouleverse pas l’âme de l’enseigne dont il prend possession. La transition s’opère en douceur. Les habitués continuent d’affluer et le bouche à oreille poursuit, en sourdine, son labeur.
D’un point de vue culinaire, le duo met l’accent sur les produits du marché en lien avec le fil des saisons. «Nous n’avons pas de spécialités, ce qui surprend parfois certains clients.» La carte change en effet toutes les six à huit semaines. Elle reflète l’inspiration du chef, assisté par Christelle. Sa commis préférée – «ça dépend des jours», se marre Ludovic – se démultiplie en assurant aussi le service.
Le complexe et pernicieux épisode coronavirus n’a bien évidemment pas épargné l’établissement. Christelle et Ludovic profitent de cette fermeture pour mener des travaux destinés à insuffler une nouvelle jeunesse à l’enseigne.
Lors du redémarrage des activités, le duo a pu s’appuyer sur une cohorte de fidèles. «C’est reparti plein pot. Le succès est agréable à assumer. Il exige cependant un engagement sans relâche, de la rigueur, de la précision, du dynamisme. Cette belle clientèle nous motive à fond.»

Perpétuer l’esprit «saveurs-accueil»
A la barre de La Parenthèse depuis 15 ans, le couple ressent-il une certaine routine, le besoin d’une potentielle remise en question, de relever un nouveau défi? La réponse de Christelle et Ludovic fuse spontanément: «Oui, pourquoi pas, dans un nouveau lieu, mais en gardant l’esprit de la cuisine qu’on défend, associé à un accueil chaleureux et personnalisé.»
Si le couple envisage un éventuel changement d’écrin, il est par contre catégorique quant à sa dimension. «Nous n’avons aucune envie de reprendre un restaurant plus important. Nous souhaitons continuer de travailler et de choyer notre clientèle comme nous le faisons depuis près de deux décennies. S’agrandir s’avère inconciliable avec notre philosophie entrepreneuriale du métier.»