«Pas un jour où cela m’a embêté d’aller travailler»

Caroline Goldschmid – 30 septembre 2022
Jean-Daniel Bueche est le patron, mais aussi l’«homme à tout faire» du Café-Restaurant de la Place, à Valbirse (BE). Il est fidèle au poste depuis 1984. L’établissement, lui, est tenu par la même famille depuis les années 1920.

Née de la fusion de trois communes (Malleray, Bévilard et Pontenet), Valbirse a officiellement vu le jour le 1er janvier 2015. C’est au centre de cette commune du Jura bernois, entre la Birse et le rond-point, que s’érige un imposant bâtiment couleur saumon: le Café-Restaurant de la Place. Les années passent, mais certaines choses restent. Voilà 100 ans, voire plus, que l’établissement est tenu par la famille Bueche. «Je ne connais pas la date exacte de la création de l’établissement, mais je sais que c’était pendant la crise des années 1920–1922. Mon grand-père paternel, Constant, était horloger et il a décidé à ce moment-là de racheter le bâtiment et de le transformer en restaurant», raconte Jean-Daniel Bueche, l’actuel patron. Selon le sexagénaire, c’était même déjà un restaurant à la fin du 19e siècle. «Il s’appelait Chez Burgund, du nom du tenancier de l’époque, M. Burgunder. Mon grand-père avait épousé l’une des filles Burgunder.»

Un local à boire plus qu’un restaurant
Jusque dans les années 1950, ce n’était pas un restaurant à proprement parler, mais plutôt un local à boire: il n’y avait pas de cuisines. «Lorsque mes grands-parents recevaient, il fallait aller chercher des assiettes et des verres à gauche à droite. C’était pauvre!», souligne Jean-Daniel Bueche, ajoutant qu’ils servaient une cuisine simple.
Son grand-père aura géré l’établissement jusqu’à sa mort, en 1954, avant que ses parents ne le reprennent. «C’était la suite logique. Mon père avait étudié au sein d’une école hôtelière et avait travaillé avec ses parents au restaurant.» Santina, la maman d’origine italienne de Jean-Daniel, était aux fourneaux. C’est justement à cette époque que des immigrés italiens pour la majeure partie se retrouvaient dans le restaurant. Son père, Daniel, aidait Santina en cuisine, tout en gérant différentes tâches au sein de l’établissement. «En parallèle, il s’est lancé dans le commerce de vins et de minérales. Il vendait du vin à des privés et à des restaurateurs. Il allait souvent jusqu’à Rolle en chercher. Il était passionné et aimait particulièrement les crus vaudois», se souvient Jean-Daniel Bueche.

«Je voulais devenir instituteur»
Puis est venu le moment pour les parents de Jean-Daniel de songer à passer la main. Ils ont d’abord proposé à l’une de ses deux sœurs, qui a refusé. Et le cadet de décliner à son tour. «Ma première idée était de devenir instituteur. Après l’école obligatoire, il fallait faire quatre ans d’Ecole normale. Les garçons étaient d’office envoyés à Porrentruy, donc je me suis retrouvé en internat là-bas.» Mais cela ne lui a pas convenu et, au bout de deux ans, il quitte l’Ecole normale et s’inscrit à l’Ecole Hôtelière de Genève. Une fois diplômé, il fait des saisons, à Grindelwald et à St-Moritz notamment, dans le service. Il se marie en 1982 et un garçon naît de cette union un an plus tard.
C’est alors que Daniel Bueche tombe malade. En 1984, Jean-Daniel décide de prendre les rênes du Café-Restaurant de la Place. Au départ, sa maman est encore en cuisine. Puis il la remplace derrière les fourneaux tandis que son épouse s’active en salle.

Des rêves plein la tête
Aujourd’hui divorcé, voilà plus de trente ans que Jean-Daniel Bueche poursuit seul l’écriture de l’histoire. A 65 ans, alors que l’établissement est depuis plus de 100 ans en mains familiales, il a atteint l’âge officiel de la retraite. Son tour est venu de réfléchir à la suite. Des rêves, Jean-Daniel en a plein la tête. «Ce qui est sûr, c’est que j’aimerais que ce restaurant continue de vivre.»
Le jour où il quittera la branche, que fera-t-il de ses journées? «J’adore les animaux et je me verrais bien travailler dans un refuge.» Il souhaite vivre au bord d’un lac, par exemple celui de Bienne. Il aspire à une certaine qualité de vie. Mais tout ça, c’est de la musique d’avenir.
En attendant, Jean-Daniel Bueche a du pain sur la planche. Tous les jours, il cumule plusieurs boulots: gérer les tâches administratives, nettoyer, jardiner ... Sans oublier son métier principal, qui le fait vivre, celui de cuisinier. «Parfois, je me sens fatigué, mais je sais pourquoi: je n’arrête pas!» Cuisiner est ce qu’il préfère. L’été, il sert beaucoup de filets de perche, avec un beurre aux herbes. Les clients adorent. De septembre à fin-mars, les moules font partie de ses spécialités. «Les produits frais, c’est ça qui est important pour moi, tout comme les circuits courts.»
Sera-t-il le dernier Bueche à gérer le Café-Restaurant de la Place? L’avenir le dira. Quel que soit le prochain chapitre qui attend Jean-Daniel, c’est avec entrain qu’il débute chacune de ses journées. «Dans ma vie de restaurateur, il n’y a pas un jour où cela m’a embêté d’aller travailler en me levant le matin. Une fois debout, je suis de bonne humeur!»

★ Simple et convivial

Le Café-Restaurant de la Place, à Valbirse (BE), est un restaurant familial, dans tous les sens du terme. Sans chichis, la cuisine est traditionnelle. Les filets de perche, les moules et les spécialités de viande attirent les clients du village, mais aussi loin à la ronde. Fermé dimanche, lundi et mardi dès 14h, l’établissement comprend un café d’une trentaine de places, une salle à manger d’une soixantaine de couverts et une grande terrasse ombragée au fil de l’eau.