«L’accueil signifie d’abord une forme de bienveillance»

Caroline Goldschmid – 28 juin 2024
Le 18 juin, le prix de la Flamme de l’accueil a été décerné à Craig Penlington devant 500 délégués, partenaires et invités, aux anciens abattoirs, de La Chaux-de-Fonds. Désormais plus suisse qu’australien, le sexagénaire tire un bilan de sa carrière, nous dit comment il voit son métier et où il trouve l’inspiration.

Quelle a été votre réaction au moment de recevoir le prix de la Flamme de l’accueil?
Craig Penlington: Lorsque j’ai été invité à la soirée de gala, on m’avait annoncé que j’allais recevoir un prix, mais j’ai été très surpris quand j’ai compris que j’étais le seul à être récompensé ce soir-là! Je m’imaginais en effet que plusieurs personnes recevraient un prix dans différentes catégories ... Mais il n’y avait que moi!

Qu’est-ce que ce prix représente pour vous?
C’est une forme de reconnaissance pour tout le travail effectué, tout le temps consacré à ce métier. Je pense notamment au Festin neuchâtelois, qui me tient énormément à cœur. Je souhaite d’ailleurs longue vie à cet événement et j’espère que les produits neuchâtelois et ce savoir-faire vont perdurer.

Vous avez également formé de nombreux jeunes ...
Durant les 23 ans passés à l’Hôtel DuPeyrou, je pense que j’ai formé une bonne quinzaine d’apprentis cuisiniers. Ce qui me réjouit beaucoup, c’est que la plupart d’entre eux exercent encore ce métier aujourd’hui, et certains d’entre eux ont même leur propre resto!

Vous avez donc réussi à transmettre votre savoir-faire et votre passion!
Ce n’est pas un succès qui n’est attribuable qu’à moi seul. C’est quelque chose qui se fait ensemble, une collaboration. Sans eux, je n’aurais pas pu accomplir tout ça.

Allez-vous faire la promotion de cette récompense sur les réseaux sociaux et dans votre entourage?
Je ne pense pas, car je ne suis pas quel­qu’un qui aime me montrer. Mais je sais que certaines personnes présentes le 18 juin au soir ont partagé la nouvelle. De mon côté, je compte écrire une lettre à GastroNeuchâtel pour les remercier et pour leur dire l’importance qu’a ce prix à mes yeux.

Ce prix récompense donc votre travail, vos valeurs ...
Et mon épouse! Les hommes sont dans la lumière, sur le devant de la scène, mais derrière, il y a souvent une femme qui rend le succès possible! Et mon épouse Françoise a toujours été présente, elle fait beaucoup pour moi et me soutient énormément.

Dans «Flamme de l’accueil», il y a le mot «accueil». Qu’est-ce qu’implique un bon accueil selon vous? En quoi est-ce un critère essentiel pour se créer une clientèle et la fidéliser?
Pour moi, l’accueil signifie d’abord une forme de bienveillance envers la clientèle. Il s’agit de s’occuper d’eux comme si on les recevait à la maison. Il s’agit aussi d’anticiper leurs besoins avec cette envie de leur faire plaisir. Ils doivent sentir qu’on est aux petits soins pour eux et juste profiter d’un moment de plaisir.

Tout cela implique d’être entouré d’une bonne équipe. A quel point le personnel de salle est-il important pour assurer un bon accueil?
C’est vraiment un travail de collaboration. Sans eux, nous les cuisiniers ne parvenons à rien. Le personnel de salle est donc tout aussi important que l’équipe en cuisine parce nous produisons des plats et eux vont les vendre. Parfois, le personnel de service est même plus important que les cuisiniers, car il est en première ligne face aux clients et c’est lui qui va assurer un bon accueil et garantir que les clients vont passer un bon moment.

Comment voyez-vous la cuisine?
Il faut avoir envie de faire plaisir! Chaque plat qu’on prépare, on s’imagine qu’on le prépare pour sa maman ou son meilleur ami, pour les gens qu’on aime. Et dans le respect du produit, de la cuisson, de la gastronomie en général et de la tradition.

Choisissez-vous spécifiquement des produits locaux?
Pas nécessairement. Certains produits locaux sont très bien, mais on ne trouve pas tout en Suisse. Quand je parle de respect du produit, j’inclus tous types de produits, de toutes origines. Si on choisit de préparer des huîtres, elles doivent être fraîches, transportées et entreposées dans des conditions optimales et traitées avec le plus grand respect.

Essayez-vous de vous renouveler? Où trouvez-vous de l’inspiration?
Toujours! Les voyages sont ma plus grande source d’inspiration. A chaque fois que je pars en vacances, que je me rends dans d’autres pays, je vais toujours dans des restaurants. Je suis quelqu’un de très curieux! Parfois, mon épouse en a un peu marre, car on prend des kilos (il rit). Dans les villes, je visite des quartiers où on trouve des habitants d’origine asiatique, d’Afrique du Nord ou d’Orient. Ils ont une tout autre approche de la cuisine et d’autres épices et c’est intéressant! La gastronomie est aussi une manière de découvrir d’autres cultures. Je dirais même que c’est à travers la cuisine qu’on découvre un pays. Derrière chaque plat, il y a une histoire...

Quelle a été votre dernière destination?
Lyon! Et je me suis régalé, car j’aime la charcuterie! Nous avons visité le marché Paul Bocuse, mangé à la brasserie Georges, visité un bon petit bouchon dans la vieille ville...

Vous êtes surtout connu pour avoir tenu l’Hôtel DuPeyrou entre 1998 et 2022. Que faites-vous aujourd’hui?
Après 23 ans passés dans un gros bateau comme ça, à un rythme très intense, et 40 ans passés dans une cuisine, j’avais envie de lever le pied. Avec mon épouse, nous tenons un B&B à Neuchâtel, «Louis-Favre 21», dont nous sommes propriétaires. De mon côté, je travaille en tant que cuisinier depuis mars dernier dans une institution pour les enfants autistes, Les Perce-Neige, à Cressier (NE). Je ne prépare que des choses fraîches pour les gamins! Cela me fait plaisir aussi parce que ma fille souffre d’un handicap mental et qu’elle a été scolarisée aux Perce-Neige. C’est donc une manière pour moi de donner en retour à ces jeunes.

Quel regard portez-vous sur la branche en Suisse: quelles sont les plus grandes difficultés actuelles?
Je dirais qu’un des plus grands défis actuels est la hausse du prix de l’énergie, notamment du gaz et de l’électricité. C’est un vrai problème, car cela réduit encore notre marge. Sinon, la pénurie de personnel reste très problématique. C’est dur de trouver des gens qui veulent consacrer leur vie aux métiers de la branche...