«Je suis attiré par cette branche et ses acteurs»

Reto E. Wild – 13 juillet 2023
Le 1er juillet 2023, Pascal Scherrer a pris ses fonctions de directeur de GastroSuisse. Dans une interview exclusive avec GastroJournal, il parle de ses valeurs, de sa passion pour la branche et des étapes à venir.

Traduction: Isabelle Buesser-Waser

Pascal Scherrer, vous avez fait une brève intervention lors de l’Assemblée des délégués de GastroSuisse à Arosa. Pour ceux qui n’y étaient pas: qui êtes-vous ?
Pascal Scherrer: Je suis un père de famille de 49 ans, avec une fille de 20 ans et un fils de 1 ½ an. Je suis donc reparti pour un deuxième tour en tant que père, ce qui me permet de comprendre les préoccupations d’une jeune famille mais aussi de la nouvelle génération qui entre sur le marché du travail. Ce que j’entreprends, je le fais avec passion et ferveur.

D’où vient cette passion pour la branche?
Dans la gastronomie, l’hôtellerie et le tourisme, les gens travaillent au service des autres. Ce sont des passionnés. Culturellement, je m’y intègre bien et, avec l’expérience professionnelle que j’ai acquise au cours des 20 dernières années, j’espère pouvoir contribuer à faire avancer l’association.

De quelles expériences parlez-vous?
Je suis passé de journaliste à directeur ou, si on veut, à «administrateur». Cela inclut l’optimisation des processus ou de la culture d’entreprise. Il s’agit de gestion, de changement, d’innovation, de relations publiques et de représentation dans l’une des associations les plus puissantes de Suisse.

Quelles valeurs défendez-vous?
Je suis orienté vers la performance, les priorités et la responsabilité personnelle. Chez moi, le verre est toujours à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. C’est lié à mon éducation. J’ai grandi à Horgen, dans le canton de Zurich. Mes parents m’ont dit qu’il ne fallait jamais laisser passer une opportunité. C’est peut-être pour cela que j’ai rapidement quitté Horgen et que j’ai eu envie de m’installer à Zurich.

Vous vous êtes qualifié de conservateur lors d’une manifestation. Il existe différentes formes de conservatisme.
Pour moi, le conservatisme est un -isme comme le racisme ou l’antisémitisme. De tels -ismes sonnent comme une maladie, et je n’ai rien à voir avec cela. Etre conservateur ne signifie pas être rétrograde ou contre toute nouveauté, bien au contraire. Je veux seulement préserver les choses qui ont fait leurs preuves au fil du temps. Inversement, cela signifie que la nouveauté n’est pas bonne en soi, simplement parce qu’elle est nouvelle.

Il y a à peine un mois, les électeurs suisses ont approuvé les trois projets fédéraux, optant ainsi plutôt pour la foi en l’Etat, la nouveauté et le refus du conservatisme. Cela vous a-t-il attristé?
Indépendamment des derniers objets soumis au vote, je constate que je fais souvent partie des gagnants et des perdants lors d’un même dimanche de votation. Ne serait-ce que pour cette raison, je prends toujours les défaites de manière sportive. Je considère comme un privilège le fait qu’en Suisse, nous puissions participer aussi fortement au système politique. Pour moi, être orienté vers la performance signifie aussi que je veux influencer tout ce que je peux. Une fois le bulletin de vote déposé, cette influence prend fin. Ensuite, il faut accepter le résultat. En général, je n’investis de l’énergie que dans les choses sur lesquelles je peux agir. C’est pourquoi, par exemple, je ne perds pas mon temps à penser à la météo.

Quels sont vos points forts et vos points faibles?
Ces deux notions sont indissociables pour moi. Laissez-moi vous donner un exemple: je suis une personne passionnée et c’est aussi pour cela que je donne beaucoup d’énergie dans ce que je fais. Le revers de la médaille, c’est que je manque parfois d’égards parce que je m’investis trop. Il y a un point fort sur lequel je travaille tous les jours: je veux utiliser ma force pour avoir le plus d’impact possible. Le mot-clé est prioriser. Je préfère faire trois choses correctement plutôt que d’en faire 15 à moitié. Pour moi, l’efficacité est donc encore plus importante que l’efficience.

Comment occupez-vous votre temps libre?
Je suis un rat de bibliothèque ou un lecteur universel. Et de par ma profession, toutes les plateformes d’information m’intéressent. Je suis un drogué de l’actualité depuis 30 ans, mais je me pose de plus en plus la question de savoir ce que ces nouvelles m’apportent vraiment et dans quelle mesure elles sont encore durables pour moi.

Vous dites, dans la question sur vos points forts et vos points faibles, que vous aimez vous concentrer sur les priorités. Se perdre dans les actualités, c’est un peu contradictoire, non?
C’est tout à fait exact. C’est une faiblesse. Vous constatez que je ne suis qu’un être humain (rires). D’ailleurs, je ne fais pas que de lire pendant mon temps libre. J’ai grandi avec le club de natation de Horgen. C’est le seul sport dans lequel je suis techniquement à l’aise. L’avantage, c’est que même avec une bedaine, je suis tout à fait convenable dans l’eau. J’effectue mes 2 kilomètres de crawl deux fois par semaine toute l’année. Et en hiver, je fais du skating sur les skis de fond.

Quel est votre lien avec la gastronomie et l’hôtellerie?
A première vue, je n’en ai pas vraiment. Mais je me sens comme un prestataire de services et j’ai travaillé dans la branche quand j’étais jeune – comme beaucoup d’autres. Pour moi, cela a été une expérience précieuse. Par ailleurs, je suis très sociable. J’aime donc beaucoup travailler avec passion et plaisir dans une industrie au service de l’humain. Dans la gastronomie, le client est au cœur des préoccupations, mais l’hôte l’est aussi. Dans ce contexte, je suis convaincu que le succès ou l’échec d’un restaurant ne dépend pas uniquement du prix, mais bien plus de la présentation de l’hôte. C’est pour toutes ces raisons que je suis attiré par ce secteur et ceux qui y travaillent.

Quelle image aviez-vous de GastroSuisse avant de postuler pour ce poste?
Au cours des trois dernières années, je me suis forgé l’image d’une fédération combative qui vaut largement ses cotisations. GastroSuisse s’engage pour ses membres et a un président dont le rayonnement est reconnu par le public. Lorsque j’ai informé mon cercle de connaissances et d’amis de mon nouveau poste, personne ne m’a demandé d’expliquer ce qu’était GastroSuisse.

Quelles sont les forces de la gastronomie et de l’hôtellerie d’aujourd’hui?
Cela peut paraître banal, mais lorsque je rencontre des personnes qui exercent leur métier avec passion, je suis moins sensible au prix. Si je me sens en sécurité et comme chez moi, cela m’est égal de devoir payer 7 francs pour un cappuccino.

Que ferez-vous au cours des prochains mois pour apprendre à connaître les membres?
J’ai pris mes nouvelles fonctions il y a deux semaines. Il est dans mon tempérament de commencer par écouter et observer. Je souhaite établir rapidement un réseau de contacts solide et décider au bout de trois mois dans quel domaine un effort particulier est nécessaire. Pendant les mois d’été, il y a de nombreux membres que je vais rencontrer et avec lesquels je vais échanger.

Où avez-vous vécu votre dernière expérience positive?
A l’hôtel Sunstar de Brissago, mon fils a eu un problème qui ne concernait pas seulement la nourriture. La manière dont le personnel s’est efforcé de trouver une solution m’a touché. C’est le fameux «petit plus» ou la touche d’empathie qui change tout.

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«Je suis un rat de bibliothèque ou un lecteur touche-à-tout –de ‹Gala› aux livres, en passant par ‹The Economist›.» (Photo: Daniel Winkler)

★ De CH Media à GastroSuisse

Pascal Scherrer (49 ans) est le nouveau directeur de GastroSuisse depuis le 1er juillet 2023 et succède ainsi à Daniel Borner. Au cours des quatre dernières années, le Zurichois a occupé le poste de directeur des chaînes de télévison régionales chez CH Media. Il s’est également engagé de 2020 à 2023 en tant que membre du comité de Telesuisse. Avant de rejoindre CH Media, ce père de deux enfants a travaillé pendant 14 ans à la radio et à la télévision suisses, notamment en tant que directeur des programmes de la station de radio DRS 3 (aujourd’hui SRF 3). Il est titulaire d’un Executive MBA de l’Université de Saint-Gall et vit actuellement à Uster (ZH).