«Je ne suis pas cuisinier, je suis passionné de cuisine»

Caroline Goldschmid – 20 mai 2022
Philippe Audonnet a démarré une nouvelle aventure à la tête des cuisines du Floris, à Anières (GE). Cette belle maison de la rive gauche reprend vie et la cuisine du chef, à base de produits locaux, s’y déguste tout au long de la journée. Interview.

Pourriez-vous nous décrire votre carte?
Philippe Audonnet: La carte actuelle est d’inspiration méditerranéenne, car la magnifique terrasse du Floris et sa vue imprenable sur le Léman s’y prêtent bien: le cadre rappelle un peu la Méditerranée. Et je dirais que ma cuisine est... osée!

C’est-à-dire?
Les associations de saveurs sont plutôt inhabituelles. Par exemple, je fais des lentilles au café, une ratatouille à la fleur d’oranger, des langoustines au ketchup de carottes, une anglaise salée aux poivrons rouges ou encore un gravlax de saumon au thé. J’essaie d’apporter une touche d’originalité qui sorte de l’ordinaire. Mais la carte sera renouvelée pour chaque saison.

Est-ce que vous vous fournissez auprès de producteurs locaux?
Oui, je travaille avec des producteurs d’Anières, avec le pêcheur du coin. Pour les fruits et légumes, je fais également appel à des fournisseurs genevois. En somme, je ne vais pas chercher des produits dans un autre canton, ni en France.

Quel est votre plat signature?
Je fais une bolognaise de crevettes sauvages dont la base est réalisée avec de la mangue verte et des carottes. Les spaghettis sont à base de pommes de terre. Une huile d’herbes vient parsemer le tout. C’est mon plat signature depuis que je suis en Suisse!

Racontez-nous votre parcours avant votre arrivée en Suisse...
Je suis un natif de la Charente (F), j’ai grandi à La Rochefoucauld, où a été créée la fameuse pantoufle charentaise. J’y ai effectué mon apprentissage de pâtissier et de cuisinier, car j’ai appris les deux métiers. Puis j’ai travaillé dans un Relais & Châteaux en Dordogne, chez Guy Savoy (3 étoiles), au Ritz à Paris (2 étoiles) ou encore à l’Eden Roc, au cap d’Antibes.

En somme, vous n’avez travaillé que pour des restaurants étoilés en France. Puis vous êtes arrivé en Suisse...
Oui, en travaillant au Golf de Bonmont (Chéserex, VD) avant d’être chef exécutif durant 16 ans à l’Hôtel d’Angleterre, à Genève. En 2018, j’ai pris les rênes du Café des Banques, à Genève, en tant que chef et propriétaire. Mais, à cause du Covid-19, cela a été compliqué et il a fallu que je remette l’établissement. Ma foi, même si cela ne s’est pas passé comme je le voulais, cela reste une belle expérience.

Cette opportunité au Floris s’est donc avérée une aubaine?
En effet, je cherchais une place de chef de cuisine ou de gérant et j’ai eu l’agréable surprise d’avoir un contact avec les propriétaires du Floris (n.d.l.r.: Lionel Roques et son fils Vincent).

A 60 ans, pensez-vous que le Floris sera l’établissement où vous terminerez votre carrière?
Il m’est impossible de le dire. Les choses peuvent changer tellement vite! Je n’avais pas prévu de travailler ici, donc qui peut dire où je serai demain? Lorsque j’ai ouvert le Café des Banques, j’étais loin de me douter qu’il y allait avoir une pandémie. Aujourd’hui, il y a la guerre en Ukraine. Nous vivons dans une époque où il n’est plus possible de faire des plans sur la comète: on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve. Je suis au Floris pour une belle mission qui durera, je l’espère, plusieurs années.

Justement, quelle est votre mission dans le cadre de la métamorphose du Floris?
D’abord, je tiens à préciser que je ne suis pas cuisinier, mais un passionné de cuisine, ce qui est totalement différent. Ce que je veux dire, c’est que pour moi ce n’est pas un métier, c’est une passion que je partage avec mes collaborateurs et mes clients. Ensuite, par rapport au Floris, la famille Roques m’a donné une ligne de conduite qui consiste à apporter une identité au restaurant. Il s’agit de proposer une cuisine de partage. Les propriétaires souhaitent faire vivre les lieux tout au long de la journée et que la restauration soit similaire à celle d’un hôtel. C’est pourquoi nous servons le petit-déjeuner dès 9 h et des petits en-cas durant l’après-midi, comme des club sandwiches, des salades et des pâtisseries, en plus des services de midi et du soir. Sachant que, de ce côté de la rive du lac, nous sommes les seuls entre Cologny et la frontière française. Nous ciblons un public large, de tout âge et à toute heure de la journée: par exemple, une clientèle d’affaires au repas de midi et une clientèle plus jeune à l’apéritif.

Avez-vous réussi à constituer l’équipe malgré la pénurie de personnel?
Je suis encore en train de la constituer, mais il est clair que c’est compliqué. Il y a encore des postes à repourvoir en cuisine. Actuellement, nous sommes huit collaborateurs et il faudrait que nous soyons douze.

Alors que l’inflation fait rage, avez-vous des difficultés à trouver des produits de qualité en respectant le budget?
Il suffit d’adapter la carte et renoncer à certains produits de luxe qui sont trop chers. Mais je veux faire une carte dont je sois content et à des prix raisonnables, parce que les clients sont de plus en plus attentifs à leur porte-monnaie. Le midi, nous proposons un menu affaires à 21 francs, réalisé avec des produits frais. Certains plats à la carte sont plus chers, donc il y en a pour toutes les bourses.

Claude Legras a fait la réputation du Floris. Est-ce un défi de passer après lui?
Je connais bien Claude Legras et passer après lui est un privilège! J’ai énormément de respect pour ce monsieur qui est un grand de la cuisine française. Rien n’est acquis dans la vie, donc à moi de faire en sorte que cette maison tourne comme lui a su si bien le faire.

 

LE FLORIS LE BAR AMBIANCE 8 light

Le Floris, lieu de vie évolutif

Associé pendant de longues années au nom du chef étoilé et MOF Claude Legras, le Floris s’est complètement réinventé en 2021, sous l’impulsion du nouveau propriétaire, Lionel Roques. Aux côtés de Philippe Audonnet, Lionel Roques approfondit son concept de gastronomie festive. A travers des expositions, d’artistes locaux et renommés, l’établissement s’applique également à promouvoir l’art genevois, en exposant un artiste différent à chaque saison.