Huile de noix: arômes inédits et plats équilibrés

Isabelle Buesser-Waser – 29 mai 2024
Dernier moulin de Suisse à exercer une activité artisanale tout au long de l’année, le Moulin de Sévery élabore des huiles pressées à l’ancienne et à froid. Alors que la première technique permet de densifier les parfums et de fixer les arômes, la deuxième préserve les vitamines.

«Notre famille est à la tête du Moulin de Sévery depuis 1810, mais les premières traces écrites mentionnant le moulin datent de 1228», raconte avec fierté Jean-Luc Bovey, directeur et propriétaire. L’entreprise, dont la principale activité est l’élaboration d’huiles de haute qualité, presse toute l’année. «Nous sommes le dernier moulin de Suisse à exercer une activité artisanale en continu. Les autres fonctionnent seulement en hiver, après la récolte.» Les bonnes années, le moulin transforme près de 190 tonnes de noix entières. De telles quantités nécessitent un travail de longue haleine et comme le fruit à coque se conserve bien, il peut être stocké au frais pendant quelques mois en attendant d’être transformé en huile. Une petite partie de cette production se retrouve chez des restaurateurs, mais la grande majorité est destinée à la vente au détail ou revient aux producteurs qui mandatent le Moulin pour presser leurs cerneaux (n.d.l.r. fruit séché, sans sa coque). «Les restaurateurs qui achètent nos huiles proposent souvent une cuisine gastronomique, comme la Maison Décotterd ou l’Hôtel de ville de Crissier», poursuit le chef d’entreprise.

Un parfum plus dense
En effet, les huiles produites par le Moulin de Sévery, notamment celles qui sont pressées à l’ancienne, sont très parfumées. «Les huiles de fruits à coques, comme l’huile de noix, sont pressées de manière traditionnelle. Les cerneaux sont d’abord hachés et broyés, puis ils sont torréfiés dans un four à molasse avec un chaudron en fonte. Cette étape aide à séparer la matière sèche de la matière grasse et permet d’augmenter le rendement. Par ailleurs, la torréfaction densifie les parfums, ce qui va donner son caractère à l’huile, fixer les arômes et faire ressortir le goût spécifique du terroir. C’est une méthode de pressage très ancienne, qui était déjà présente pendant l’antiquité», explique le maître huilier à l’œuvre le jour de notre visite. Après la torréfaction, vient le pressage qui fait naître une huile dorée, particulièrement savoureuse.
Star du moulin, l’huile de noix est uniquement élaborée avec des fruits suisses, et une gamme est même certifiée huile de noix vaudoise AOP. «L’appellation a été créée par l’interprofession qui rassemble les producteurs de noix et les huiliers. Nous ne sommes que trois moulins à respecter le cahier des charges de l’AOP», souligne le maître des lieux. D’autres huiles sont également pressées à l’ancienne. L’huile de noisettes – suisses également –, mais aussi l’huile d’amandes ou de pistaches.

Pressage à froid, plus de vitamines!
Les oléagineux sont, quant à eux, pressés à froid. «Cela préserve beaucoup mieux les valeurs nutritives. Les arômes sont un peu moins présents que dans l’huile pressée à l’ancienne, mais l’huile de colza ou celle de lin pourront également amener des choses intéressantes au niveau des saveurs, un goût authentique», précise Jean-Luc Bovey. En effet, les omégas et les vitamines D ou E sont naturellement présents dans les oléagineux et le pressage à froid ne les altère pas. L’huile de colza, par exemple, présente «une composition en acides gras bénéfique ainsi qu’une teneur élevée en acides gras oméga-3. Elle est également riche en vitamine E – une substance contribuant à protéger les cellules contre le stress oxydant», peut-on lire sur le site de l’Association Huile de colza suisse. «Par ailleurs, nous travaillons actuellement sur un projet de trempage de champignons séchés dans l’huile. Cela permettrait d’ajouter de la vitamine D, car elle est liposoluble. On obtiendrait une huile particulièrement riche avec des notes de sous-bois», indique le directeur du Moulin.
En Suisse, pour pouvoir indiquer l’appellation «à froid», l’huile doit être pressée à moins de 50°. En comparaison avec les huiles raffinées, le pressage à froid contient beaucoup moins d’étapes de transformation du produit brut. En effet, les graines sont simplement nettoyées, chauffées à moins de 50°, puis pressées. L’huile sera ensuite filtrée sur plaques. Ce système permet de conserver les valeurs nutritives du produit ainsi que les saveurs. Cependant, il s’agit d’une huile fragile, qui se conserve au frais et à l’abri de la lumière et ne devrait pas être chauffée lors de son utilisation. Inversement, les huiles raffinées supportent bien la cuisson mais elles sont beaucoup moins intéressantes d’un point de vue nutritionnel et gustatif. Avant le pressage, les graines sont broyées et chauffées jusqu’à 110°. Puis l’huile est filtrée par centrifugeuse et subit encore de nombreuses étapes avant d’être mise en bouteille.

L’huile sublime les plats du Bistro
«L’huile de noix AOP est l’une de mes préférées, je l’utilise principalement pour sublimer les plats ou je la place sur la table pour que les clients puissent assaisonner eux-mêmes leurs assiettes», indique Richard Bryann, le chef du Bistro du Moulin. Le cuisinier, qui bénéficie d’un accès privilégié aux huiles de l’entreprise, est devenu un expert dans leur utilisation et construit ses plats, de l’entrée au dessert autour de ce produit haut de gamme.

MOULIN SEVERY Bryann Richard

Les conseils d’utilisation du chef du Bistro, Richard Bryann: 

• Huile de noix vaudoises AOP: pour sublimer les plats. Disposée sur les tables. Se marie très bien avec un œuf parfait et des poireaux confits, de la salade ou du poisson. Par exemple, directement dans une poche au thermoplongeur avec une truite cuite à basse température. Saveur très prononcée, intéressante avec tout ce qui est fumé.

• Huile de noisettes: même utilisation que l’huile de noix, mais plus discrète. Se mélange bien avec d’autres saveurs. Pour un sabayon: trois tiers de beurre et un tiers d’huile de noisettes. Fonctionne bien avec les champignons et certains desserts. 

• Huile d’amandes: pour les salades. Super avec les tomates et le quinoa. Intéressante pour les desserts. En ce moment: dessert verveine-amande. 

• Huile de pistaches: parfaite pour les desserts, notamment dans les biscuits ou les glaces en fin de préparation. Par exemple, pour un nougat glacé. Se marie bien avec la courge, tous les poissons et l’écrevisse. 

• Huile de colza: pour les vinaigrettes et les sabayons. 

• Huile de tournesol: même usage que l’huile de colza mais plus neutre.