Fée verte: le goût de l’interdit

Isabelle Buesser-Waser – 06 juin 2024
Prohibée en Suisse pendant près de 100 ans, l’absinthe a retrouvé une place de choix dans la gastronomie du 21e siècle. La boisson originaire du Val-de-Travers offre une belle palette de saveurs et de couleurs.

«Au Val-de Travers, l’absinthe a un statut identique à celui du vin. Elle contient tellement de nuances, tellement de saveurs», lance Arnaud Destribois, le chef du Restaurant de l’Aigle à Couvet (NE). Même si on consomme cette plante depuis l’antiquité, notamment sous forme de tisane ou macérée dans du vin au Moyen-Age, Marguerite Henriette Henriod est la première a l’avoir extraite par distillation alcoolique au Val-de-Travers au 18e siècle pour en faire un élixir médicinal. Elle se consomme rapidement en apéritif et son succès est fulgurant. Mais au début du 20e siècle, les prix baissent, la qualité du breuvage diminue et l’opinion publique, tout comme la concurrence l’accusent de rendre fou. La boisson est alors interdite dans de nombreux pays et, dans le Val-de-Travers, les producteurs deviennent clandestins en 1910.

Des couleurs et des saveurs
C’est en 2005, que la fée verte est réhabilitée. Le vallon compte une trentaine de distillateurs, dont certains sont d’anciens clandestins. Le breuvage se décline en couleurs et en saveurs avec un taux d’alcool entre 48° et 77°. «L’absinthe blanche est l’absinthe dite «traditionnelle». Transparente, ou claire, elle est obtenue par un lent processus de macération puis de distillation des plantes», peut-on lire sur Absinthe Market. Elle se prépare sur la base de quatre plantes: grande absinthe, petite absinthe, anis vert et fenouil. La verte, quant à elle, est une blanche qui subit un deuxième processus de macération avec des plantes chargées en chlorophylle. C’est la variété des herbes qui définit les saveurs du breuvage final. Alors que les absinthes vertes sont «plus amères, plus herbacées, plus sèches mais aussi plus fortes en alcool, les blanches sont généralement plus douces.» On en trouve aussi des anisées ou des florales, sans oublier l’irrésistible parfum d’interdit laissé par la célèbre fée. Aujourd’hui, cette richesse dépasse l’apéritif et certains cuisiniers, comme Arnaud Destribois, l’intègrent dans leur cuisine, des sauces au dessert en passant par le poisson.

Par ailleurs, l'absinthe joue un rôle crucial dans l’identité régionale. C'est pourquoi la commune a décidé de lui consacrer un musée dans l'ancien Hôtel de district de Môtiers (NE) – la Maison de l'absinthe –,  qui retrace son histoire.