Allons-nous manquer d’électricité cet hiver?

Reto E. Wild – 14 septembre 2023
GastroJournal a rencontré Casimir Platzer et Albert Rösti à Kandersteg pour une interview croisée. Le président de notre faîtière et le conseiller fédéral s’expriment notamment sur la hausse des prix de l’électricité, l’amabilité dans le service et la magie de l’air des montagnes.

Monsieur le conseiller fédéral, quel est votre lien personnel avec l’hôtellerie-restauration – mis à part le fait que vous étiez membre du groupe parlementaire?
Albert Rösti: L’hôtellerie et la restauration jouent un rôle important pour la population et le tourisme, en particulier dans l’Oberland bernois. Une localité comme Kandersteg dépend à environ 80% du tourisme et de l’hôtellerie. Il y a une trentaine d’années déjà, lorsque je fréquentais l’école de paysans de montagne de Hondrich, au-dessus de Spiez (BE), l’accent était mis sur la collaboration entre les producteurs locaux et l’hôtellerie-restauration. Depuis, l’appréciation des produits régionaux et durables s’est encore renforcée. Personnellement, j’apprécie beaucoup le contact avec les gens et j’ai déjà tenu un plateau de service dans les mains, par exemple lors d’une fête cantonale de la musique.
Casimir Platzer: L’hôtellerie-restauration est effectivement une affaire de rapports humains, où les gens travaillent avec et pour les gens. Albert Rösti a d’ailleurs été un membre précieux du comité consultatif du groupe parlementaire et a également représenté les intérêts du tourisme et de l’hôtellerie-restauration au Parlement.

Quels sont votre restaurant et votre hôtel préférés?
Albert Rösti: Le choix est vaste ici. L’hôtel Belle Epoque Victoria à Kandersteg – où nous nous trouvons actuellement – est un hôtel exceptionnel. Bien que j’aie grandi dans le village, je n’avais jamais eu l’occasion d’y séjourner jusqu’à présent et j’ai beaucoup apprécié mon séjour ici.

Quels sont les critères importants pour vous quand vous entrez dans un établissement?
Albert Rösti: Pour moi, il faut avant tout que le personnel soit aimable. Souvent, je sais en l’espace de cinq minutes si je vais être satisfait ou non. Il faut qu’un certain lien se crée dès que l’on franchit la porte. Je dois me sentir chez moi. Mais si quelqu’un à la réception n’est pas attentif, une mauvaise impression s’installe vite. Si le patron se présente personnellement et s’enquiert du bien-être de ses clients, je pardonne aussi parfois une maladresse.

En tant qu’ancien président de parti, vous aviez déjà un aperçu du Conseil fédéral avant votre élection. Qu’est-ce qui vous a tout de même surpris depuis votre entrée en fonction?
Albert Rösti: Le volume des dossiers et le rythme. On entend souvent dire que tout va lentement dans la Berne fédérale. Ce n’est pas le cas du Conseil fédéral. Nous gérons un énorme flux de dossiers, avec des journées de plus de dix séances. Je ne pouvais pas l’imaginer ainsi. Mais c’est aussi un privilège de faire ce travail. En tant qu’hôtelier et président de GastroSuisse, Casimir Platzer a également un programme très chargé ...
Casimir Platzer: C’est différent si on doit présider une réunion ou si on y assiste seulement en tant que membre. Quand j’en préside une, je suis davantage sollicité.
Albert Rösti: C’est vrai. J’ai siégé pendant onze ans dans une commission du Conseil national. En tant que conseiller national, je faisais partie des 25. En tant que conseiller fédéral, je suis désormais sur le devant de la scène, ce qui demande plus d’énergie.

L’énergie est le bon mot-clé. A ce propos, allons-nous manquer d’électricité cet hiver?
Albert Rösti: Nous avons tout mis en œuvre pour que cela ne se produise pas. Nous avons pris des mesures de sécurité adéquates au sein du département et nous surveillons la situation en permanence. Mais un risque résiduel ne peut jamais être exclu.

Qu’a fait concrètement votre département ?
Albert Rösti: Le Conseil fédéral a mis à disposition la centrale de réserve de Birr (AG), qui peut être activée en cas d’urgence. Nous avons conclu des contrats avec les exploitants de centrales à accumulation afin qu’ils aient encore de l’eau dans les lacs de retenue au printemps. Nous avons fait tout ce qui était imaginable. Mais la vie n’est pas sans risque. Si différents facteurs négatifs s’accumulent, comme le manque de gaz en Europe, les pannes des centrales nucléaires françaises et un hiver très froid, la situation peut tout à fait redevenir critique. Le Conseil fédéral agira alors et prendra d’autres mesures. Pour l’instant, nous ne pensons pas qu’il y aura une pénurie.

Comment les restaurants et les hôtels doivent-ils se préparer pour l’hiver?
Albert Rösti: Il vaut certainement la peine de remplir les citernes avec les combustibles nécessaires, qu’il s’agisse de mazout ou de pellets de bois. Et il est conseillé d’anticiper. En été, il est par exemple possible d’entretenir le chauffage et de l’optimiser sur le plan technique. Ainsi, on consomme moins d’énergie en hiver. Il existe également de nombreuses possibilités d’économiser de l’électricité grâce à des optimisations techniques. Par exemple, le réglage correct de la ventilation dans la cuisine du restaurant ou des détecteurs de mouvement pour que la lumière dans le couloir ne s’allume que lorsque quelqu’un s’y trouve. Les entreprises sont les mieux placées pour savoir où il est possible de faire des économies. Et il existe aussi des offres de conseil. Mais il est clair que tout le monde ne peut pas, par exemple, remplacer un appareil par un autre moins gourmand en énergie.

Casimir Platzer, que mettez-vous en place dans votre hôtel pour économiser de l’énergie?
Casimir Platzer: Nous sommes par exemple raccordés à un chauffage à copeaux de bois et sommes passés à des ampoules LED, plus économiques. Dans les chambres qui ne sont pas occupées, nous n’avons plus d’appareils branchés sur le secteur, sinon ils consomment de l’électricité en mode veille. Nous faisons également des économies avec des minuteries. Si nous éteignons les réfrigérateurs le soir à 21h et ne les rallumons que le lendemain matin, le vin blanc pour le service de midi est quand même frais. Je peux recommander à tout le monde de faire appel au PEIK, le conseil professionnel en énergie pour les PME de Suisse Energie. Ils voient le potentiel d’économie des entreprises. Les membres peuvent faire appel à ces conseils en énergie à des conditions avantageuses. Nous aussi, nous l’avons fait. C’est ainsi que l’on obtient beaucoup avec peu d’efforts.

En suivant ces étapes, vous économisez également de l’argent ...
Casimir Platzer: Oui. Grâce à des mesures simples, nous avons pu réduire notre consommation d’électricité d’environ 5%, ce qui représente pour nous environ 12 500 kilowattheures. L’été dernier, nous avons payé environ 70 centimes par kilowattheure. Avant, c’était 10 centimes! En juillet-août, notre facture d’électricité était aussi élevée que pour toute l’année 2022.

Vous êtes obligés de répercuter les coûts supplémentaires sur les prix affichés.
Casimir Platzer: Nous avons rapidement analysé les domaines dans lesquels nous pouvions faire des économies d’énergie. Dans les comptes d’exploitation 2022, nous n’avons pas seulement ressenti l’explosion des prix de l’énergie, car le renchérissement englobait également des produits à l’achat ou des salaires plus élevés. Nous travaillons avec des prix dynamiques et les avons légèrement adaptés. Mais nous avons dû assumer la majeure partie des coûts supplémentaires. En 2022, nous avons connu la meilleure année de notre histoire en termes de chiffre d’affaires. Mais au final, nous étions loin d’un record, car les coûts ont massivement augmenté.

Ce qui est une raison de plus pour répercuter les hausses des coûts sur vos prix.
Casimir Platzer: Nous évoluons sur un marché mondial. La sensibilité des clients aux prix ne nous permet pas de répercuter l’intégralité des coûts. Sinon, nous ne sommes plus compétitifs. Ce qui nous arrange, c’est l’inflation massivement plus élevée dans les pays de l’UE. Si je compare les prix des boissons dans les restaurants à l’étranger avec les nôtres, ils ne sont plus forcément moins chers que nous.

Monsieur le conseiller fédéral, vous avez recommandé l’adoption de la loi sur la protection du climat lors de la campagne de votation. Atteindrons-nous les objectifs fixés par la loi sans interdictions ni nouvelles taxes?
Albert Rösti: Oui, si nous parvenons à produire suffisamment d’électricité supplémentaire dans le temps nécessaire. Les interdictions ne servent à rien. Nous ne pouvons pas interdire aux gens de se chauffer en hiver. Ainsi, la population perdrait en confort. Nous avons besoin d’alternatives aux sources d’énergie fossiles. Mais la politique énergétique passe avant la politique climatique. Nous devons d’abord nous assurer que notre pays dispose de suffisamment d’électricité avant de remplacer les énergies fossiles. Pour l’instant, il est important pour moi que nous sortions très rapidement du risque de pénurie. Les interdictions ne sont pas à l’ordre du jour pour moi. Je l’ai promis avant la votation. Je m’y tiendrai. Nous devons laisser aux gens leur liberté. Mais au final, c’est le Parlement qui décidera.
Casimir Platzer: J’apprécie la position du conseiller fédéral Rösti et j’espère vraiment qu’il pourra tenir sa promesse. Mais je doute que nous puissions couvrir nos besoins énergétiques sans recourir aux énergies fossiles. Atteindre l’objectif net zéro sans interdictions relève presque de l’impossible.