«Il faut offrir l’opportunité de se projeter dans l’avenir»

Isabelle Buesser-Waser – 23 décembre 2022
Après un peu plus d’une année à la tête de la Maison Décotterd, le chef Stéphane Décotterd dresse le bilan de son nouvel écrin à Glion (VD) et donne sa vision des défis qui secouent la branche actuellement.

Stéphane Décotterd a quitté Le Pont de Brent en août 2021 pour ouvrir la Maison qui porte son nom au Glion Institut de Hautes Etudes. Aujourd’hui, il flirte à nouveau avec les étoiles et continue sa quête de perfection aux côtés de sa sous-cheffe Claryce Monnier et du chef pâtissier Christophe Loeffel.

Vous avez récemment obtenu une étoile au guide Michelin et 18 points au GaultMillau. Vous attendiez-vous à ces résultats?
Stéphane Décotterd: Oui, on s’attendait à avoir au moins une étoile. On savait qu’il est difficile de faire une entrée dans le guide avec plus. On vise la deuxième pour l’année prochaine. Je pense que c’est réaliste puisque nous ne travaillons pas moins bien qu’au Pont de Brent et nous y avions conservé deux étoiles pendant dix ans.
Nous sommes aussi très contents des 18 points au GaultMillau. Nous avons conservé la même note que l’année dernière, c’est dans la continuité de notre travail.
Les guides font partie du paysage, mais nous n’avons pas de contrôle sur eux. Nous faisons simplement notre maximum au quotidien et nous nous remettons perpétuellement en question, à la recherche de la perfection.
De plus, nous avons aussi reçu un Bib Gourmand pour le bistro. C’est une belle reconnaissance pour l’équipe. Pour cet espace, nous sommes partis d’une page blanche.

Cela fait maintenant un peu plus d’une année que vous avez ouvert la Maison Décotterd. Quel est votre bilan?
La fréquentation du restaurant est très bonne, notre clientèle du Pont de Brent nous a suivis et nous touchons également de nouveaux clients. Les guides ont reconnu notre travail, ce qui nous amène aussi du monde. En résumé, c’est une très bonne année!

Vous avez lancé des cours de cuisine cet été, comment cela se passe-t-il?
Les cours fonctionnent bien. Mais il faut le voir comme un service à notre clientèle. Nous ne sommes pas vraiment gagnants sur ce tableau, cela demande énormément de travail. Nous ne voulons donc pas forcément développer l’offre, mais la conserver de manière ponctuelle.

Travaillez-vous de la même manière qu’au Pont de Brent? Qu’avez-vous changé?
C’est la suite logique de ce que nous faisions à Brent. Mais ici, nous avons pu doubler nos équipes et c’est beaucoup plus structuré. D’un côté, j’ai Claryce Monnier, ma sous-cheffe, qui m’aide beaucoup, et de l’autre Christophe Loeffel pour la pâtisserie, qui travaille maintenant avec une vraie brigade. Cela permet de dégager beaucoup de temps pour la créativité, on réfléchit plus, on fait plus d’essais. C’est une quête perpétuelle d’amélioration à tous les niveaux. Par ailleurs, nous bénéficions aussi d’une vraie structure en termes de communication, ça nous apporte beaucoup.

Comment choisissez-vous vos produits?
Nous avons gardé les mêmes producteurs qu’avant, mais notre réseau s’étoffe. Je ne souhaite pas me laisser enfermer dans un rayon, mais je fais une cuisine qui correspond à l’endroit où nous sommes. Je ne sers pas de fruits de mer, car cela ne correspond pas au lieu où nous nous trouvons. Pour moi, la durabilité n’est pas forcément le soja et la cuisine végane, c’est plutôt de faire perdurer les artisans et les agriculteurs des alentours, de faire vivre leur savoir-faire. La Suisse est un petit pays, tout est très proche. Cela me permet de choisir mes fournisseurs pour la qualité de leurs produits tout en restant dans le local.

Comment gérez-vous le contexte actuel, avec la crise de l’énergie et la pénurie de personnel qualifié?
En ce qui concerne l’électricité, on fait tout ce qu’on peut pour réduire notre consommation mais nous n’avons pas de contrôle sur le reste. Pour le ­deuxième point, il est important de prendre conscience que c’est structurel et pas une situation passagère. Nous devons vraiment nous remettre en question parce que les jeunes ne veulent plus travailler comme nous le faisions. Chez nous, les employés bénéficient de deux mois de vacances, qui sont donnés pendant les fermetures. Nous serons d’ailleurs fermés pendant les fêtes. Pour beaucoup de monde dans la branche, passer les vacances de Noël en famille est un vrai luxe. Nous offrons aussi deux jours de congé par semaine et une semaine par mois en horaire continu. Il faut vraiment donner aux jeunes l’opportunité de se projeter dans l’avenir et la possibilité de fonder une famille en restant dans le métier. Cependant, je suis conscient que c’est la structure de l’école hôtelière qui me permet de proposer des conditions telles que celles-ci. Je n’aurais jamais pu le faire au Pont de Brent. Il faut agir là où on peut, selon la taille de l’établissement.

Que peut-on faire d’autre?
Nous pouvons changer l’image de la branche, proposer un discours plus positif, qui met en exergue les opportunités qu’offrent les métiers de la restauration. Le travail collectif, les possibilités d’évolution, de travailler dans le monde entier, la notion de partage, le rôle social des restaurants et le sens que cela donne au quotidien sont des avantages indéniables. Il est important de les mettre en avant plutôt que le stress et la pression.

Quels sont vos objectifs pour l’année prochaine?
Nous n’allons pas faire de grande révolution, mais nous avons prévu de terminer l’aménagement du lobby et de créer un coin bar, dédié à la journée avec une mise en valeur du panorama qu’offre notre situation. On pourra y prendre le thé tout en admirant la vue sur les Alpes et le lac.

★ Glion Institut de Haute Etudes

La Maison Décotterd se niche au cœur du Glion Institut de Hautes Etudes (GIHE) qui fête ses 60 ans en 2022.
Le GIHE est un établissement privé suisse qui propose des diplômes de Bachelor et Master en management hôtelier international avec des spécialisations dans le management du luxe, l’évènementiel, ou la finance à des étudiants provenant de plus de 100 pays, répartis sur trois campus, entre la Suisse et Londres, au Royaume Uni. Il fait partie de Sommet Education, un groupe d’établissements d’enseignement hôtelier et culinaire.
Les étudiants de premier semestre en Bachelor à Glion effectuent quatre semaines de stage à la Maison Décotterd – en alternance dans le restaurant gastronomique et sa cuisine, dans le bistro et le bar.
Fondé en 1962, le campus de Glion se trouve dans l’ancien Grand Hôtel Bellevue au-dessus de Montreux. Le campus surplombe le lac Léman et les Alpes suisses et françaises.