Quelles sont les raisons qui vous ont poussée à vendre Le Chalet?
Laurence Veya: La réflexion a débuté vers 2017. Cela faisait 30 ans que je travaillais à 200%, donc il était temps que je fasse plus attention à ma santé, d’autant que j’ai déjà eu quelques alertes. Aussi, de nombreux travaux de rénovation devenaient nécessaires et pas des moindres, comme remplacer la centrale incendie ainsi que divers travaux énergétiques. Au moment de l’arrivée du Covid-19, j’ai enfin pu me poser et la décision de vendre s’est consolidée. Il a également fallu m’assurer que mon mari et mes parents me confortent dans mon choix, car ils étaient tous impliqués dans l’entreprise. Quant à mes collaborateurs, ils m’ont tous soutenue, car ils préféraient que la fin puisse se préparer au mieux, y compris pour eux. Ils sont tous restés jusqu’à la fin et cela a été le plus beau cadeau.
Aujourd’hui, vous êtes donc convaincue d’avoir pris la bonne décision et contente de la manière dont les choses se sont déroulées avec la vente de votre hôtel-restaurant?
Oui. Ce d’autant que j’ai trouvé un repreneur de la région, après avoir renoncé à vendre à un investisseur chinois. Il s’agit de Masini Groupe, basé à Cortaillod. La vente a été signée en septembre. Ce sont des personnes simples, avec qui j’ai eu plaisir à négocier et je suis contente de leur avoir vendu Le Chalet. Un projet mixte va sûrement voir le jour et même s’ils devaient détruire le bâtiment pour des questions énergétiques, au moins ils feront travailler des entreprises neuchâteloises.
Quelles ont été les étapes les plus difficiles?
Un ami qui travaille dans le milieu bancaire m’avait prévenue: décider de vendre, c’est une chose; encore faut-il être réellement prêt psychologiquement. Pour franchir le pas, une grande préparation en amont est primordiale. Si un acquéreur se présentait, j’avais la responsabilité d’aller au bout du processus de vente. Ne pas revenir en arrière, m’entourer des bonnes personnes, m’assurer que le prix était correct et tenir bon administrativement! Tout cela a été difficile. Cependant, je pars sereine, parce que nous avons assuré «les services» jusqu’à la fin et parce que chaque collaborateur a retrouvé un travail.
Maintenant que ce chapitre est clos, quels sont vos projets?
Je veux surtout diminuer mon temps de travail pour pouvoir m’adonner aux loisirs que j’adore, comme la randonnée, le VTT et le ski. J’adore aussi flâner dans la nature. Je veux avoir cette liberté de disposer d’un moment dans la journée et profiter! En fait, le plus important pour moi aujourd’hui, c’est la liberté. En tant que patrons, on ne fait pas comme on veut: il y a tant de choses à faire, nous sommes multitâches! Maintenant, j’ai envie de me laisser porter.
Côté professionnel, vous allez rester indépendante …
J’ai créé la Sàrl VR Consulting (n.d.l.r.: V pour Veya et R pour Rothenbühler, son nom de jeune fille) en juillet 2022. L’idée étant de faire bénéficier mes clients de mon expertise et de partager mes conseils, comme ceux, par exemple, qui touchent à la vente d’un commerce. Avec plus de 30 ans d’expérience dans l’hôtellerie et la restauration et dans le cadre d’une analyse globale, j’arrive à identifier assez rapidement les aspects qui clochent et comment y remédier avec des solutions pragmatiques. J’effectuerai des entretiens-conseils, à la demande, pour des PME de l’hôtellerie-restauration. Mais je resterai ouverte à aider des petites entreprises actives dans d’autres domaines. Je reste vigilante, car je ne veux pas retomber dans une situation de stress.
Votre coprésidence de GastroNeuchâtel s’achèvera en juin 2024. Quelles seront vos priorités d’ici là?
Notre section organise l’Assemblée des délégués de GastroSuisse, qui aura lieu à Neuchâtel du 17 au 19 juin 2024. Un événement qui réunira environ 600 personnes sur trois jours et dont la planification va bien nous occuper.
Vous êtes aussi la nouvelle présidente de la Commission professionnelle neuchâteloise des métiers de l’hôtellerie et de la restauration (lire plus bas). Où trouvez-vous l’énergie pour vous investir sur autant de fronts?
Ce qui me motive, c’est d’aider les autres, trouver des solutions pour eux. J’adore le partage, les échanges! Pourquoi faire partie d’une association? Pour regrouper les forces, mais surtout repérer les problèmes répétitifs de la branche. Soutenir les collaboratrices et collaborateurs pour les faire progresser m’a toujours tenu à cœur et j’ai eu la chance d’avoir très peu de mouvement au sein de mon entreprise (environ 10 à 22 ans de maison sur l’ensemble des départements). Et puis ce dynamisme fait partie de moi. J’aime la diversité et apprendre. Cette flamme doit être animée, sinon la vie est fade.
La notion de partage guide-t-elle à la fois votre vie et votre travail?
Sincèrement, je pense que beaucoup de choses peuvent être débloquées en discutant. Tout ce que je peux apporter aux autres, je le fais, car je suis heureuse de voir quelqu’un heureux. J’essaie de montrer le positif pour donner envie à celles et ceux qui galèrent de s’accrocher.
Vous avez dirigé une entreprise aux côtés de votre mari, chef de cuisine, et de votre frère. Comment avez-vous vécu votre position de patronne en étant une femme?
Dans l’ensemble, cela n’a pas été compliqué pour moi. Je suis contente d’être une femme, parce que je pense que nous avons une sensibilité différente et c’est un atout, notamment dans la gestion d’une équipe. Et si on parvient à s’entourer des bonnes personnes, tout se passe bien. Je n’ai pas vu ces 30 ans passer!
Quel genre de cheffe êtes-vous?
Mon titre, je ne l’ai pas durant une journée, un mois, voire une année de travail. Sauf si un.e employé.e a un problème: il faut qu’il ou elle sache où se tourner pour chercher de l’aide. Savoir diriger est venu assez naturellement et s’est consolidé avec le temps. Cela dit, j’ai pris des cours pour me perfectionner, comme la gestion du temps et le recrutement.
Quel regard portez-vous sur la place des femmes dans la branche?
Il y a une vingtaine d’années, les femmes occupaient plutôt des postes dans le back-office. Elles accomplissaient de nombreuses tâches, mais c’était leur mari qui était le patron. Depuis, un changement s’est opéré: les femmes ont la volonté d’aller sur le devant de la scène, dans la lumière. Pour celles qui ont des enfants, des structures permettent de faciliter l’équilibre entre vies professionnelle et privée. Sachant cela, les jeunes femmes auront peut-être davantage envie de se lancer dans les métiers de la branche, d’autant que les temps partiels n’empêchent plus de prendre des responsabilités.
★ Faire rayonner la branche
En 2009 a été créée la Commission paritaire neuchâteloise de l’hôtellerie et de la restauration, renommée par la suite Commission professionnelle neuchâteloise de l’hôtellerie et de la restauration (CPNHR). Constituée de GastroNeuchâtel, Hotel & Gastro Union, hotelleriesuisse Neuchâtel – Jura et UNIA, ses principaux buts sont de favoriser le professionnalisme dans la branche et d’arbitrer certains conflits. Sa plus grande mission s’est concrétisée en 2015: un contrat de prestations a été signé entre la CPNHR et l’Etat afin d’officialiser le financement de sa structure de formation continue. Le catalogue d’Eureka Formation peut être consulté sur: www.eureka-formation.ch