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Tourisme

Val d’Anniviers: sauvetage réussi de quatre hôtels

Caroline Goldschmid – 21 août 2019
La société «Les hôtels des cinq 4000» peut aujourd’hui démontrer, chiffres à l’appui, que le bilan après trois ans d’activité est des plus réjouissants.

Des remontées mécaniques qui reprennent la gestion de quatre hôtels: la solution du futur ou une fuite en avant? C’est à cette question que Pascal Bourquin était invité à répondre lors de l’assemblée générale de la Société Suisse de Crédit Hôtelier, qui s’est tenue en juin dernier à Zurich. Le directeur des Remontées Mécaniques Grimentz-Zinal a pu présenter les résultats encourageants du projet «Les hôtels des cinq 4000». Créé en 2016, il a été baptisé en référence à la Couronne Impériale, arrête qui surplombe le village de Zinal et qui regroupe cinq sommets de plus de 4000 mètres. Une faillite est vite arrivée Tout est parti d’un constat quant à la situation de l’hôtellerie en montagne: presque tous les hôtels sont des établissements de famille et aujourd’hui les tenanciers sont nombreux à arriver à l’âge de la retraite. «Soit ils ont des enfants qui reprennent la gestion, soit ils doivent trouver un locataire, parce que les banques ne prêtent plus et racheter un hôtel n’est pas donné à tout le monde», explique Pascal Bourquin. Autre complication: gérer un hôtel n’est pas chose aisée. Plus précisément, trouver des gens compétents pour l’exploiter est une gageure. «Etudier à l’école hôtelière, c’est une chose, gérer un hôtel, c’en est une autre.» Et une faillite est vite arrivée. «L’un des problèmes liés à une cessation d’activité, c’est que comme ces hôtels sont aussi des restaurants, ils participent à l’animation d’une station pour les visiteurs qui louent un appartement ou y viennent pour les vacances. Alors si on est contraint de fermer des lieux de restauration, on se retrouve avec des stations qui perdent en attractivité », poursuit le directeur en poste depuis dix-neuf ans. Trois acteurs pour créer une société immobilière La société «Les hôtels des cinq 4000» était donc une réponse toute trouvée face à une menace de fermeture de plusieurs hôtels de famille à Zinal et à Grimentz et par là même une solution pour éviter que la région ne se meure. «L’idée était aussi d’augmenter le nombre de nuitées, puisqu’automatiquement, plus il y a de nuitées plus il y aura des clients auprès des remontées mécaniques», ajoute Pascal Bourquin. Il s’agit d’une société anonyme qui regroupe les Remontées Mécaniques Grimentz-Zinal – majoritaires au niveau décisionnel –, la Commune d’Anniviers (qui sortira du capital-actions avant la fin de l’année) et la Société d’expansion touristique de Zinal. Sans but lucratif, cette dernière existe depuis 1964 et met sur pied des projets touristiques pour développer la station. Trois acteurs sont donc à l’origine de cette société immobilière. «Elle a acheté les quatre bâtiments, elle a trouvé des fonds pour les transformer et les remettre au goût du jour et loue ces bâtiments aux remontées mécaniques qui les exploite», précise Pascal Bourquin. «Il fallait une société à part pour obtenir certains types de fonds. La société immobilière est propriétaire et la société des Remontées Mécaniques est l’exploitante.» Résultat: une forte croissance Sur les quatre hôtels concernés, trois sont situés à Zinal et un à Grimentz, pour un total de 250 lits. Il s’agit de l’Hôtel de l’Europe, de l’Hôtel de la Pointe, de l’Hôtel Le Besso et de l’Alpina. Ce dernier a été entièrement refait et équipé d’un wellness depuis que la SA en gère l’exploitation. «Les hôtels fonctionnent bien et trois d’entre eux sont bénéficiaires, se réjouit Pascal Bourquin. Avec 11 chambres et un restaurant de 40 places, le Besso est juste trop petit pour être rentable. Mais comme il fait partie du groupe, ça tourne.» Regrouper ces établissements a permis une centralisation de l’administration, dont la mise en place d’un logiciel commun pour les réservations. «Déchargés d’une partie des tâches administratives, les collaborateurs en place ont davantage de temps à consacrer aux clients, ce qui améliore considérablement l’accueil et le service. Un facteur-clé dans la hausse de la fréquentation de ces hôtels.» Et les chiffres parlent d’eux-mêmes: la location des chambres est en forte augmentation depuis la reprise par la nouvelle société. La différence est d’autant plus flagrante que ces établissements étaient en faillite ou sur le point d’être laissés à l’abandon. A titre d’exemple, La Pointe avait enregistré environ 700 nuitées le dernier hiver de l’ouverture et aujourd’hui cet hôtel comptabilise 4000 nuitées à la même période. L’Alpina, lui, totalisait 2400 nuitées contre 8000 l’hiver dernier. «Ça nous amène des clients sur les pistes!» Actuellement à 153 jours de location des chambres sur l’année, l’objectif est de dépasser les 165 jours. Aussi, la société «Les hôtels des cinq 4000» vise un GOP (bénéfice d’exploitation brut) supérieur à 20% pour tous les hôtels. Magic Pass: l’attractivité de le Val d’Anniviers est dopée Le sauvetage réussi des quatre établissements a-t-il rayonné sur l’attractivité du Val d’Anniviers en général? «Oui, mais c’est surtout l’avènement du Magic Pass qui a eu un impact», répond Pascal Bourquin. Ce nouveau modèle tarifaire, un abonnement utilisable dès l’ouverture estivale des stations en mai jusqu’à la fin de la saison hivernale et offrant un libre accès à toutes les installations des partenaires, a été introduit au Val d’Anniviers pour la saison 2017-2018. «Avant son introduction, on comptait 1,9 million de journées-skieurs. Après la première saison avec le Magic Pass, on en totalisait 2,8 millions et, pour la saison 2018- 2019, on a dépassé les 3 millions journées-skieurs.» Les recettes de la station, elles, sont passées de 64 millions en 2017 à 88 millions début 2019. Non seulement le Magic Pass a dopé la fréquentation des pistes du Val d’Anniviers, mais il a aussi amplifié celle des hôtels. Quant aux perspectives d’avenir, même si plus de 126 000 exemplaires du Magic Pass 2019-2020 ont déjà été vendus, demeure une inconnue: la météo. «Les journées skieurs issues du Magic Pass vont continuer d’augmenter, assure Pascal Bourquin. Le nombre des autres journées skiées, lui, dépendra de la météo, plus précisément de l’ensoleillement, et de la quantité de neige durant les vacances de fin d’année.» Au-delà de la saison hivernale, notons que l’intérêt de cet abonnement annuel pour les stations et les acteurs du tourisme, c’est aussi d’augmenter les visites durant les saisons creuses. Et, là aussi, le produit a fait ses preuves. Les prochains défis A la question de départ qui était de savoir si la politique touristique du Val d’Anniviers est un exemple à suivre ou une fuite en avant, Pascal Bourquin peut désormais démontrer qu’il s’agit bel et bien de la première réponse. «Au moment de lancer le projet, certains avaient douté de notre capacité à gérer et à faire tourner un hôtel, étant donné que nous n’avions jamais exercé le métier d’hôtelier», se souvient Pascal Bourquin. «Mais, dans notre cas, une expérience comparable dans la restauration nous a permis de relever le défi.» Un modèle de réussite dont pourraient s’inspirer d’autres destinations. A l’instar de la station de Grächen (VS), dont les différents acteurs songent à se regrouper. A présent, le Val d’Anniviers se concentre sur d’autres défis, comme la modernisation de ses infrastructures. «A Grimentz, un télésiège deux places et un téléski seront remplacés par un télésiège six places, explique Pascal Bourquin. Il s’agit de favoriser les équipements à débit rapide au lieu d’installations lentes, pour plus de confort. Dès mai prochain, le téléphérique de Zinal sera remplacé par une télécabine.» Autre enjeu de taille pour la branche: l’intéressement des jeunes aux métiers du tourisme. «Cela dépend beaucoup des parents, car souvent ils ont un apriori négatif alors que c’est une branche où il n’y a pas de chômage», rappelle Pascal Bourquin. Mais l’expert ne se décourage pas: «Il y a de nombreuses voies à explorer pour donner envie aux jeunes, comme présenter ces métiers dans des salons ou leur offrir la possibilité de faire des stages.»