Xavier Company: «La première étape? Demandez des audits!»

Caroline Goldschmid – 18 septembre 2023
GastroLausanne a organisé une rencontre afin d'aider ses membres face à deux problématiques actuelles majeures pour les professionnels de l'hôtellerie-restauration: la pénurie de personnel et les coûts de l'énergie. Une quinzaine de participants ont pu débattre librement et profiter de poser des questions aux intervenants invités.

Le 11 septembre dernier, le comité de GastroLausanne présidé par Alexandre Belet conviait ses membres à une après-midi informative, au restaurant La Rive Vidy (anciennement Chalet-des-Bains), fraîchement repris par Huseyin Sahin, également propriétaire de La Rive, à Morges. Durant la première partie de l'événement, Emploi Lausanne et la fondation Démarche ont présenté différentes solutions de soutien au recrutement de personnel en cours de formation. Guillaume Rais, responsable d'Emploi Lausanne, a présenté le programme auquel pas moins de 1138 demandeurs d'emploi ont participé en 2022, dont 240 dans la restauration. Ces derniers s'exercent dans le restaurant d'application Quai 14, dirigé par le chef Didier Sidot. L'établissement sert 50 à 60 couverts et propose également des mets à l'emporter, comme des salades et des sandwichs. «Nous avons un responsable du restaurant et des professionnels qui sont là pour encadrer les personnes en formation, en cuisine et en salle», a indiqué Guillaume Rais. «L'idée, c'est que les participants développent des compétences. Une mesure peut durer de 3 à 6 mois, voire une année dans certains cas.» Quai 14 forme aussi des personnes issues de la migration, envoyées par l'ORP, l'AI et le RI. Tibits, le CHUV et la Migros font partie des entreprises partenaires où des participants au programme peuvent être placées.

Près de 800 bénéficiaires chez Démarche

Sébastien Elind, gérant de l'Hôtel-Restaurant de l'Union et de l'Hostellerie Les Chevreuils à Epalinges, a pris la parole à son tour pour présenter la Fondation Démarche. «Nous avons aujourd'hui 400 places d'accompagnement en réinsertion et 350 en emploi-formation. Près de 800 bénéficiaires viennent chez nous chaque semaine, du social, du chômage ou de l'AI.» Au restaurant de L'Union, ce sont plutôt des gens qui viennent du social. Le projet autour de l'hôtellerie-restauration a vu le jour il y a cinq ans et l'Hôtel-Restaurant de l'Union a été créé en 2019. Sébastien Elind: «Grâce à ces chambres, on peut former du personnel pour l'intendance. Aux Chevreuils, il s'agit exclusivement de logement social et nous totalisons 74 chambres sur deux établissements.» Quant au volet réinsertion professionnelle: le restaurant sert 60 à 100 couverts par jour, les salles de séminaire peuvent accueillir jusqu'à 90 personnes. «Nous formons dans quatre domaines: la cuisine, la salle, l'entretien et la réception d'hôtel. Il y a 36 postes en tout et les gens restent entre 3 et 12 mois. Ils sont six professionnels en cuisine pour former une dizaine de personnes, ils sont cinq professionnels pour former aussi une dizaine de personnes en salle, par exemple. L'idée chez Démarche, c'est de mettre les participants au plus proche de la réalité du marché.»

Les coûts de l'énergie occupent aussi les esprits

Après le volet centré sur le recrutement de personnel en cours de formation, le deuxième thème de la journée était celui de l'énergie. Avant de donner la parole au municipal Xavier Company, Alexandre Belet, président de GastroLausanne, a donné le ton: «Visiblement, le virus a muté et s'est transmis à l'énergie! Que dire de ces sociétés privées à utilité publique qui n'arrivent pas à protéger les consommateurs des hausses de prix, mais qui, au contraire, sont tombées dans les travers de la cupidité? Tout augmente: l'inflation sur les marchandises atteignait en août 4,1%. Rajoutez l'augmentation générale des salaires de 5% demandée par l'USS et celle du coût de l'électricité, annoncée à 10,8% pour Lausanne, ainsi que la TVA qui passera à 8,1% dès janvier. C'est un vrai cocktail Molotov pour les établissements! Si aucune mesure n'est prise par les politiques pour absorber la hausse des prix, ce sont les employés qui vont trinquer. Pour faire fonctionner un restaurant, vous avez besoin de gaz et d'électricité ou encore de marchandises. Mais l'Histoire a montré que là où les économies sont réalisées en premier, ce sont les ressources humaines...»

Le directeur des Services Industriels de Lausanne (SIL) était invité afin d'apporter des réponses aux restaurateurs pour le moins inquiets. Il a commencé par rappeler le contexte de cette crise énergétique: l'invasion de l'Ukraine a coupé l'approvisionnement européen en gaz russe, qui s'est alors tourné vers les Etats-Unis. En parallèle, une deuxième crise s'est déclenchée, celle du nucléaire en France, avec environ la moitié des réacteurs qui ont cessé de produire de l'énergie en été 2022. «Sans l'approvisionnement en gaz ni celui en électricité, la Suisse ne savait pas trop vers quoi elle se dirigeait, à l'aube de l'hiver 2022-2023. C'est ainsi que le plan OSTRAL a été mis en place. Conséquence au niveau des prix: 2000% d'augmentation des prix de l'électricité et 1500% d'augmentation des prix sur le marché du gaz (que nous achetons), en 18 mois. Aujourd'hui, les réserves sont quasi complètes d'un part parce que nous avons eu un hiver serein et d'autre part parce les politiques forcent les gouvernements à remplir ces réserves. La Confédération nous contraint à avoir des réserves à l'étranger», a expliqué Xavier Company.

Ensuite, le directeur des SIL a présenté le programme Equiwatt, qui permet de mettre en œuvre différentes mesures d'efficacité énergétique. Il emploie 8 collaborateurs et est actif sur toute la zone de desserte des SIL, soit le grand Lausanne. Pour les PME, le but est de les accompagner tout le long d'une rénovation ou d'une mesure d'efficacité énergétique. A présent, que conseille l'expert aux professionnels de notre branche qui ne savent pas nécessairement par où commencer pour réduire la facture d'électricité? «Faites des audits! C'est la première étape avant toute chose. Pour faire des économies, pensez à nous!», a répondu Xavier Company. Pour les restaurateurs lausannois, il faut donc d'abord contacter Equiwatt, dont les collaborateurs sauront si un audit peut être réalisé par ce programme ou s'il faut un audit PEIK.

Est-on sorti d'affaire? «Le risque de pénurie d'énergie demeure pour 2025», a répondu l'expert. «Notre consommation d'énergie monte et notre production n'est pas forcément proportionnelle. Le risque de pénurie est plus ou moins fort, mais il va perdurer ces prochaines années. Tout cela impacte le niveau des prix, qui ne retombera pas à celui de 2019. L'énergie va rester entre 3 et 4 fois plus chère que le prix auquel on l'achetait en 2019.»