«Il faudra être très solide mentalement»

Isabelle Buesser-Waser – 12 septembre 2024

 

Pour quelle raison avez-vous choisi de travailler dans le service?
Marc Gay: Lorsque j’ai fini le cycle d’orientation, j’avais le choix entre un apprentissage et poursuivre les études. Je savais que je voulais plutôt m’orienter vers un apprentissage mais j’hésitais entre paysagiste et un métier dans le social. J’ai fait deux stages chez un paysagiste et j’ai vite compris que les aléas de la météo ne me convenaient pas. C’est une sortie au restaurant avec mes parents qui m’a convaincu d’essayer la restauration. J’ai énormément apprécié le travail de l’équipe en salle et après trois stages dans la branche j’ai signé mon contrat d’apprentissage.

Comment s’est déroulée votre formation?
J’ai fait mon apprentissage à l’Hôtel-Restaurant La Porte d’Octodure à Martigny-Croix. C’est là qu’est réellement née ma passion pour la branche. J’étais déjà très attiré par l’aspect social qu’on retrouve au contact de la clientèle, mais j’ai aussi découvert que ce métier est très diversifié. Il y a toujours quelque chose à découvrir et à apprendre et on peut choisir différentes spécialisations durant la formation. De plus, j’ai développé un contact privilégié avec mes formateurs de l’école professionnelle de Sion. C’est d’ailleurs suite à leur conseil que j’ai participé à mon premier concours.

Racontez-nous …
J’ai fini mon apprentissage durant la pandémie, et nous ne savions pas si les examens allaient être maintenus. Je ne voulais pas que l’on puisse penser que j’ai obtenu mon CFC gratuitement alors je cherchais une solution pour valider mes acquis. Les formateurs m’ont proposé de participer au Servicemeisterschaft. Je me suis beaucoup investi dans la préparation de ce concours et je l’ai gagné. C’est là qu’on m’a suggéré de poursuivre avec les SwissSkills.

Et vous les avez également gagnés!
Oui, en effet. Je me suis beaucoup préparé et j’ai même démissionné de mon poste afin de pouvoir me concentrer sur le concours. J’avais été promu responsable du service, et concilier la haute saison avec la préparation du concours devenait difficile. Gagner ces deux compétitions m’a permis de développer et consolider mon réseau dans la branche. C’est une énorme fierté! De plus, ma victoire aux SwissSkills m’a ouvert les portes des WorldSkills.

Comment vous préparez-vous pour les WorldSkills?
En premier lieu, j’ai voulu perfectionner mon anglais afin d’être à l’aise dans un milieu international. Je suis donc parti en stage à Dublin dans le restaurant étoilé du chef James Moor, D’Olier Street, pendant huit mois, puis à New York pendant trois mois, au sein de l’Atera NYC avec le chef Ronny Emborg récompensé de deux étoiles au guide Michelin. Depuis le début de cette année, je me concentre à 100% sur la préparation. Avec ma coach, Noemi Zoss, nous avons établi un planning d’entraînement. Afin que ce ne soit pas trop intense, j’alterne entre des séances ici à Gastro Formation Zurich – le lieu de travail de Noemi –, des journées à Pully dans les locaux de Gastro­Vaud et des stages qui me permettent de me perfectionner. J’ai fait un stage de barista, deux stages au bar et un à Hong Kong afin de développer ma sensibilité aux différences culturelles et d’être capable de m’adapter à tous les clients – et par conséquent aux experts issus d’autres cultures lors des World­Skills.

La Suisse a déjà un beau palmarès dans le domaine du service aux WorldSkills, quel est votre objectif?
Effectivement, rien que sur les deux dernières éditions, Shania Colombo a décroché le bronze en 2022 et Martina Wick l’or en 2019. Cela génère pas mal de pression. Pour ma part, je vais donner le meilleur de moi-même, mon objectif est de n’avoir aucun regret. Concrètement, il faudra être très solide mentalement le jour J. Les journées de préparation précédant le concours seront très intensives et je devrai rester concentré. L’aspect mental est essentiel dans la compétition. Tout se jouera sur des détails. Ma capacité à gérer l’imprévu ou à rebondir si quelque chose ne fonctionne pas sera déterminante.

 

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Pour Marc Gay, l’hôtellerie-restauration est une grande famille à l’international. La branche permet de voyager, de découvrir de nouvelles cultures et d’apprendre de nouvelles langues. (Photo: Nicolas Righetti)

Et après, qu’avez-vous prévu?
C’est une très bonne question (rires)! Pour le moment, je suis très concentré sur le concours. Je sais que cette expérience sera très utile mais qu’elle ne fera pas tout. Je n’ai encore rien planifié, mais j’aimerais apprendre l’allemand et éventuellement intégrer une école hôtelière. Le management dans l’hôtellerie m’intéresse beaucoup.

Le service reste une passion?
Oui, pour le moment le service me passionne. J’ai l’impression qu’il y a toujours quelque chose à apprendre. La sommellerie m’attirent particulièrement. Mais je pense que c’est également un métier éprouvant et je ne veux pas me fermer à d’autres opportunités.

Quel est votre rêve?
J’aimerais être à la tête d’un concept original, proposer une chambre d’hôte ou un petit hôtel avec de la restauration et accompagner le client tout au long de la journée.

Quel est votre message pour les jeunes qui hésitent à se lancer dans un métier en lien avec la gastronomie?
Le service offre énormément d’opportunités: il est toujours possible d’évoluer et d’apprendre de nouvelles choses. Après un apprentissage, on peut faire un Bachelor ou même un Master et on peut explorer de nombreux domaines. De plus, l’hôtellerie-restauration est une grande famille, qui s’étend à l’international. Cette branche nous permet de voyager, de découvrir de nouvelles cultures et d’apprendre de nouvelles langues. C’est pourquoi je pense qu’il ne faut pas trop se poser de questions, notamment sur le salaire et les horaires. Il faut foncer et on trouvera toujours des solutions plus tard.

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Noemi Zoss est confiante. Selon elle, Marc Gay est bon dans tous les domaines et il possède un mental d’acier.

★ Noemi Zoss, coach de Marc Gay

En 2013, Noemi Zoss (Noemi Kessler à l’époque) remporte la médaille d’or des WorldSkills dans la catégorie Service. Aujourd’hui, elle enseigne à l’école professionnelle Gastro Formation Zurich et est en charge des SwissSkills dans le domaine du service. C’est également elle qui prépare les candidats de cette catégorie pour les World­Skills. Marc Gay est le deuxième candidat qu’elle accompagne, après Shania Colombo qui a remporté le bronze en 2022. Pour Noemi Zoss, le jeune Valaisan est bon partout. «Il est surtout très solide mentalement, ce qui m’a beaucoup impressionnée pendant les SwissSkills. Lors de l’épreuve mystère, il donnait l’impression de maîtriser parfaitement l’exercice alors qu’en réalité il improvisait sur une tâche qu’il n’avait jamais accomplie.»

Concours WorldSkills

La compétition WorldSkills est l’équivalent des Jeux olympiques pour les jeunes professionnels. C’est un concours international où les meilleurs apprentis et jeunes professionnels du monde s’affrontent autour de leur métier. Du 10 au 15 septembre 2024, 1500 compétiteurs issus de plus de 70 pays et régions se retrouvent à Lyon pour concourir dans 59 métiers. La SwissSkills National Team (n.d.l.r. l’équipe suisse) est composée de 45 compétitrices et compétiteurs et concourt dans 41 métiers. Afin de pouvoir se présenter à cette finale internationale, tous les participantes et participants ont dû se qualifier lors des SwissSkills, l’épreuve nationale du concours. Dans le domaine du Service, la Suisse a déjà remporté six médailles d’or en 1997, 2003, 2011, 2013, 2017 et 2019 et une de bronze lors de la dernière édition en 2022.