Un renouveau qui fait reluire l’institution locale

Caroline Goldschmid – 10 décembre 2021
L’Hôtel-Restaurant Valrose, à Rougemont (VD), fait partie des nouvelles adresses recensées par le GaultMillau. Après quatre mois d’exploitation, les directeurs Benoît et Sabine Carcenat semblent avoir trouvé la formule gagnante.
table du valrose

Durant les Fêtes, la Table du Valrose proposera un menu d’exception où figureront tous les incontournables de la saison: foie gras, ­caviar, poularde et plus encore ...

«Les guides gastronomiques? Ce que je dis à mes équipes, c’est que le fait d’être primé est le résultat d’un travail et non d’une quête.» Quelques jours avant la double consécration par le GaultMillau 2022 (lire en page 37), Benoît Carcenat ne semblait pas s’attendre à recevoir d’emblée la note de 17/20. Ce qui préoccupe le chef de 43 ans, c’est avant tout que les clients repartent contents. Et c’est le cas, depuis que lui et son épouse Sabine ont repris les rênes de l’Hôtel-Restaurant Valrose, le 23 juillet dernier.

Après avoir œuvré au sein du Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier et fait le tour du monde durant un an, Benoît Carcenat a occupé le poste de directeur des arts culinaires et de la gastronomie pour le groupe Sommet Education dès 2017. «Entre les responsabilités qui m’incombaient et la volonté du groupe de se développer davantage encore, je ne cuisinais plus! Je gérais beaucoup de projets sur les différents sites, je formais les étudiants et je m’occupais du concept des cartes, mais la création me manquait. J’avais envie de retourner derrière les fourneaux!»

Comment est-il atterri à Rougemont? Il se trouve qu’il connaît bien le propriétaire des lieux. «Mon épouse étant originaire du Pays d’Enhaut, on venait souvent à Rougemont. Un jour, en 2019, alors que nous mangions au Valrose, il nous a proposé de reprendre l’établissement.» Les conditions pour une reprise de bail étaient pour le moins idéales puisque Benoît Carcenat avait carte blanche! A la clé de cette entente, la confiance qui règne entre les deux hommes. Sans oublier que l’envie de gérer un établissement était déjà présente depuis plusieurs années au sein du couple. «Comme je n’étais pas totalement comblé dans mon poste précédent, mon épouse m’a vivement encouragé à accepter ce nouveau défi», glisse-t-il. Bien lui en a pris.

Trois points de vente, une identité
Cet été, Benoît Carcenat est donc devenu directeur de restaurant et d’hôtel pour la première fois. Non pas d’un, mais de trois points de vente: la table gastronomique, le café et le bar. La clé, selon le chef, c’est de parvenir à diriger la maison dans son ensemble. En l’occurrence, il s’agit de faire en sorte que les différents espaces et leur offre soient clairement identifiables tout en créant un lien entre eux. «Ce qui est compliqué, c’est d’assurer une identité globale pour toute la maison, que l’image perçue par le client soit la même au Café Valrose, au bar et à La Table du Valrose», explique Benoît Carcenat. En cuisine, les collaborateurs travaillent pour les deux restaurants et apportent donc le même souci du détail. En salle, le personnel se montre prévenant au sein des trois points de vente pour garantir cette unité. «Nous avons mis en place un roulement: chaque employé sert durant une semaine à La Table du Valrose puis une semaine au Café Valrose et ainsi de suite.»

Côté clientèle, le Valrose accueille tant des visiteurs en provenance de toute la Suisse que des villageois. «Le Valrose appartient au village avant d’appartenir à quelqu’un», estime son gérant. En effet, le bâtiment date de 1904. Il a, durant un temps, abrité le buffet de la gare et a été le premier hôtel de la région, avant même la construction du Gstaad Palace. Impossible, donc, de toucher à l’enveloppe, classée, et de ne pas préserver ce patrimoine. «Les habitants de la région sont très attachés à ce lieu et nous faisons tout pour garder un lien avec eux. Ainsi, au café, ils peuvent déguster une fondue ou tout simplement boire une bière.»

Objectif: zéro déchet
Parmi les valeurs que Benoît Carcenat prônait déjà lorsqu’il était en poste à l’école hôtelière de Glion se trouve la volonté de lutter contre le gaspillage alimentaire. «L’objectif: zéro déchet», annonce le chef qui inculque à ses équipes le fait d’utiliser la totalité d’un produit, non seulement pour le bien de la planète, mais aussi pour réaliser des économies. Et de donner un exemple: «La chair du homard est la pièce centrale du plat, sa carapace est utilisée pour réaliser le bouillon qui viendra compléter le plat, la coquille sert de support sur lequel est disposé la chair des pinces, le tout agrémenté d’huile de homard.»

Le MOF – désormais le seul à diriger un restaurant en Suisse (Claude Legras vient de prendre sa retraite) – limite également l’usage du gluten, en le remplaçant par des farines de riz, de châtaigne ou de millet. La recherche d’alternatives sert aussi à développer la créativité des mets. Citons enfin l’utilisation de produits ultralocaux: fromages, beurres, laits et légumes proviennent du Pays d’Enhaut. «Pour l’instant, j’ai encore du mal à m’affranchir des produits de la mer comme les crustacés et les noix de Saint-Jacques, tout simplement parce que j’adore les travailler.» Ce qui rend la cuisine de Benoît Carcenat particulière se trouve dans les mélanges de saveurs inattendus comme un kimchi de chou rouge servi en accompagnement du sandre et un médaillon de chevreuil ... au curry vert!

«Sans mon équipe, je ne suis rien»
En face de la maison qui abrite l’hôtel-restaurant se trouve un bâtiment qui peut loger jusqu’à 22 collaborateurs, ce qui constitue un véritable argument de recrutement. D’autant que l’intérieur est décoré avec le même souci du détail et des matériaux de qualité. Malgré cela, le recrutement du personnel de service s’est avéré fastidieux, faute à la pénurie de main d’œuvre qualifiée qui sévit dans la branche. Un chef de rang et un barman doivent encore être embauchés. L’équipe en place, récemment renforcée, comprend de jeunes talents de la restauration gastronomique, venus des quatre coins de Suisse, de France et d’Italie.

Côté cuisine, Benoît Carcenat n’a eu aucun mal à créer son équipe, grâce à son réseau, qui comprend une quinzaine de cuisiniers. On y trouve un certain Victor Moriez, qui a aussi fait ses armes à Crissier. Il représentera la Suisse à la finale internationale du concours Taittinger le 11 janvier, à Paris. Benoît Carcenat a fait en sorte d’ «aplatir» l’organigramme. Outre les deux chefs Margot et Victor, tout le monde est cuisinier. «Quand on veut créer quelque chose ensemble, la hiérarchie est inutile. Tout le monde fait de tout et propose des idées, je les motive à créer. Un restaurant, ce n’est plus un chef, c’est une équipe. Sans elle, je ne suis rien.»

Hôtel de 12 chambres
Avant l’arrivée des Carcenat, l’hôtel constituait le point d’entrée. Aujourd’hui, la tendance est en train de s’inverser: les clients de la table gastronomique profitent davantage de leur visite en dormant sur place. Responsable de la partie hôtellerie, Sabine Carcenat gère également l’administration et la communication. Aux petits soins pour ses clients, elle met un point d’honneur à ce que l’accueil et le confort des douze chambres douillettes complètent l’expérience vécue au sein de cet établissement authentique et chaleureux.

C’est avec confiance et optimisme que les directeurs du Valrose aborderont la nouvelle année. Le bouche-à-oreille fonctionne et le carnet de réservations se noircit – le restaurant gastronomique est complet les week-ends jusqu’à la fin de l’année. Au vu du succès grandissant de leur maison, ils ont décidé d’élargir les horaires d’ouverture de La Table du Valrose pour la saison d’hiver. Dès le 21 décembre, le restaurant sera ouvert du mardi au samedi pour les services de midi et du soir ainsi que le dimanche midi. Un bonheur n’arrivant jamais seul, les parents d’Agathe (3 ans) et de Gaspar (8 mois) fêteront leurs 10 ans de mariage en mars prochain. Encore une belle réussite à leur actif.