Frigos intelligents: de bons petits plats à toute heure

Caroline Goldschmid – 14 janvier 2022
Les restaurants d’entreprise sont mis à mal par la pandémie. Un frigo connecté permet aux collaborateurs de déguster des repas sains élaborés avec des ingrédients locaux. Deux sociétés romandes, la vaudoise Toopre et la genevoise GreenTime, misent sur les circuits ultracourts.

Après le précurseur Felfel (start-up zurichoise créée en 2013), plusieurs sociétés se sont lancées dans le créneau des frigos intelligents. Le télétravail s’étant généralisé avec l’arrivée de la pandémie, certaines cafétérias ont fini par fermer leurs portes. SV Group a imaginé «Emil Fröhlich», un réfrigérateur destiné aux entreprises qui ne disposent d’aucune offre de restauration, «mais qui souhaitent tout de même permettre à leurs employés de manger sainement». Pour les traiteurs, proposer des mets dans une vitrine connectée s’avère aussi un moyen de poursuivre leurs activités. C’est le cas de Fuchs Traiteur – Toopre (n.d.l.r.: comme «tout prêt»), une start-up vaudoise créée au printemps 2021. «Mon neveu, Jean-Yann Fuchs, est traiteur indépendant et les affaires se sont brutalement arrêtées avec l’arrivée de la pandémie», explique Stefan Waldmann, responsable administratif de la société dont le site de production se trouve à Denens. Plusieurs membres de la famille de Jean-Yann Fuchs ont alors réfléchi ensemble pour mettre en place un projet de frigo intelligent. Il s’est concrétisé le 15 octobre dernier, avec l’installation du premier frigo Toopre, à la station essence de Friderici, à Tolochenaz. «Aujourd’hui, une quarantaine de frigos n’attendent qu’à être installés et plusieurs entreprises sont intéressées», se réjouit Stefan Waldmann. D’ailleurs, la Maison Planzer Transports, à Penthalaz, vient d’en commander un.

Comment ça marche? Sous forme d’abonnement mensuel, le service comprend la mise en place du frigo, la livraison des plats plusieurs fois par semaine, la récupération des invendus, le suivi et le nettoyage de l’appareil. Que trouve-t-on dans les frigos Toopre? Des plats faits maison par Jean-Yann Fuchs avec des ingrédients fournis par des boulangers, des maraîchers et des agriculteurs du canton de Vaud qui varient selon les saisons. Renouvelé chaque semaine, l’assortiment comprend entre six et dix menus différents à base d’une viande ou de poisson, d’un féculent et de légumes, des salades composées, des soupes, des desserts et des snacks. «Côté boissons, pas de sodas industriels, mais des jus fabriqués localement de façon artisanale», précise le responsable administratif. Signalons aussi que la start-up recycle les barquettes en plastique et fait don de la nourriture restante aux personnes dans le besoin. La case de la durabilité est bel et bien cochée!

Petite entreprise, grosse flexibilité
Le plat Toopre coûte 12.90 francs au collaborateur. La petite taille de la société lui confère une grande flexibilité, ce qui fait que l’assortiment est personnalisable. L’utilisateur télécharge l’application du même nom, scanne le QR code sur le frigo, choisit le mode de paiement souhaité et le montant de ce qui a été prélevé du frigo sera débité. Lorsque le réfrigérateur est situé à l’extérieur, comme c’est le cas à Tolochenaz, l’accès est aussi possible pour des personnes externes à l’entreprise: il leur suffit de télécharger l’appli et de se servir. «Dans ce cas-là, le plat sera facturé 16 francs», précise Stefan Waldmann. Destinée aux entreprises d’au moins 30 collaborateurs et basées dans un rayon de 50 km de Lausanne, l’offre Toopre en est encore à ses débuts. «Mais nous avons déjà prévu de nous agrandir!», assure Stefan Waldmann.

GreenTime mise sur le bio
Créée fin 2017 avec un concept de distributeurs automatiques, GreenTime est passée aux frigos connectés en 2019. La start-up genevoise les approvisionne tous les jours, du lundi au vendredi, avec des produits frais de la région. «Actuellement, quelque 80 frigos GreenTime sont en place, de Genève à Montreux», explique le fondateur et CEO, Sacha Gönczy. «Nous nous limitons à la région de l’arc lémanique, car nous misons sur l’aspect local, tant en ce qui concerne nos fournisseurs qu’en termes de distance de transport de la marchandise.»
Industrie, banques privées, régies immobilières: Sacha Gönczy constate que les entreprises de secteurs très ­variés se sont abonnées à GreenTime. La mensualité comprend notamment le service, le remplissage du frigo et la récupération des emballages qui seront compostés. La particularité? La mensualité versée par l’entreprise (dès 2500 francs) inclut une subvention afin que les employés paient leur repas moins cher, soit entre 6 et 12 francs. Le menu – une douzaine de propositions différentes –, change chaque semaine. Poke bowls, couscous, bagels, salade de quinoa, houmous, assiette détox, bircher, brownie: les aliments sont bio et sans conservateurs. «Consommer de manière responsable est au cœur de nos préoccupations», souligne le CEO qui emploie une trentaine de collaborateurs.
Pour limiter le gaspillage alimentaire, des réductions de prix sont appliquées avant que les produits ne soient périmés. Par exemple, tous les vendredis, les plats sont à moins 50% dès 14h30. «Cela contribue grandement à limiter les invendus», indique Sacha Gönczy. Sans oublier le fait que le frigo est connecté à internet et fonctionne avec une application mobile, ce qui permet à GreenTime d’analyser les données et d’optimiser ainsi les stocks de nourriture. Lorsqu’il reste quand même des invendus (5 à 10% selon les sites), ils sont proposés à prix réduit via l’application Too Good to Go ou sur le site de production, à Vernier, où se trouve un frigo accessible à tous.

Une quinzaine de cuisiniers à Vernier
Le centre de production emploie trois chefs et une dizaine d’assistants de cuisine. Tout est produit sur place, à l’exception des snacks et boissons, dont la majorité sont fournis par des partenaires de la région. «Préparer les plats nous-mêmes, c’est ce qui fait toute la différence. Non seulement pour garantir la qualité, mais aussi pour limiter les kilomètres.»
Aujourd’hui à 100% romande, GreenTime vise désormais le marché zurichois. Un futur site de production verra le jour dans le canton alémanique et les frigos proposeront des produits de la région.

Une alternative saine
On l’aura compris, le grand avantage du frigo dit intelligent, c’est sa capacité à adapter l’offre au fur et à mesure selon la demande et selon la taille de l’entreprise. Que ce soit en termes de quantité de nourriture livrée ou en termes d’assortiment, ce qui réduit fortement le gaspillage alimentaire. Toopre comme GreenTime font travailler les cuisiniers et les producteurs régionaux, tout en permettant aux entreprises d’offrir un service non négligeable à leurs collaborateurs: des repas sains et savoureux. Voilà qui devrait motiver les employés à revenir au bureau une fois que le télétravail ne sera plus obligatoire. N’iront-ils donc plus au restaurant? «Non, car un plat consommé au bureau ne remplace pas l’expérience vécue et partagée dans un restaurant», répond Sacha Gönczy. «C’est une alternative qui évite de manger un sandwich industriel produit à l’étranger.»

 

www.toopre.ch

www.mygreentime.com