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Face à la crise, imagination et solidarité

Vincent Lehmann – 17 mars 2020
Dans une ambiance d’inquiétude et d’incertitudes, ­certains professionnels de la branche ne baissent pas les bras. Sur le canton de Vaud, trois entreprises font face avec imagination et détermination.

Sitôt repris, sitôt fermé ! Ainsi pourrait-on résumer, tristement, la nouvelle vie de l’hôtel Regina, qui a changé de mains au plus mauvais moment imaginable. Ce trois étoiles au cœur même de la capitale vaudoise compte 35 chambres sur cinq étages, à deux minutes d’une pléthore de commerces et d’attractions touristiques lausannoises. Fréquenté à l’année par des visiteurs du monde entier, il attire volontiers une clientèle d’affaires participant aux conférences du CHUV ou de l’EPFL. Tenu durant trente ans par le couple Bagnoud, il a récemment été acquis par Susan Sax, présidente de GastroLausanne et déjà à la tête de l’hôtel 46A, près des rives du Léman à Vidy.
Depuis février, ce quartier historique et piétonnier vit au ralenti, la plupart de ses échoppes et bistrots faisant le dos rond sous les assauts de la pandémie. Mais pour Susan Sax, pas question de subir un taux d’occupation zéro sans réagir. Dès le 18 mars, les chambres du Regina sont proposées à la location en tant que bureaux privés. Des bureaux à la place des chambres
«Quand j’ai appris que écoles fermaient et que tout le monde devait se mettre au télétravail, j’ai tout de suite pensé que la situation n’allait pas être facile pour beaucoup de gens, en particulier ceux qui ne peuvent pas s’isoler chez eux pour travailler au calme. Puis j’ai réalisé que les 35 chambres du Regina, toutes équipées d’un petit bureau, d’un téléphone et d’une bonne connexion internet, pourraient sans délai être converties en bureaux individuels.» Outre le calme habituel d’une rue fermée à la circulation, l’offre inclut un cadre sécurisé: chaque chambre dispose de sa propre salle de bain (toutes rénovées il y a moins de cinq ans), d’un minibar pour stocker de la nourriture, et de l’indispensable kit pour les doses quotidiennes de caféine et de théine.
Il ne s’agit pas que d’un plan B visant à faire tourner une entreprise: l’offre se veut solidaire de par les prix pratiqués. «Toutes les entreprises du monde perdent des plumes, nous sommes tous dans le même bateau. L’idée est de couvrir nos frais et de ne pas nous mettre dans une banqueroute plus grave que celle qui nous menace déjà, tout en restant accessibles.» Une journée de location coûtera CHF 59.-, une semaine de 5 jours CHF 249.-, et un forfait jusqu’au 30 avril CHF 1690.-. Soit la moitié des prix normalement pratiqués par le Regina. Une évidence pour Susan Sax, le service de lingerie et les déjeuners n’étant plus proposés. «Si d’aventure cette offre devait répondre à une demande, nous pourrions installer un four à micro-ondes dans l’espace du rez prévu pour le déjeuner.» Des fournisseurs, mais surtout des copains
Si les hôtels pouvaient encore choisir de rester ouverts à la mi-mars, restaurants et bistrots se voyaient contraints de fermer leurs portes. La Brasserie de Montbenon (Lausanne) et l’Auberge de Berolle (La Côte) ont, chacune à leur manière, réagi avec énergie face au confinement, avec une démonstration de solidarité qui ne peut laisser indifférent.
A l’Auberge de Montbenon, la cuisine met résolument à l’honneur le meilleur du terroir Romand. L’amateur de saucissons, de bières artisanales et de plats à la fois rustiques et raffinés trouvera aisément son bonheur sous le plafond vertigineux de ce casino centenaire, dont la terrasse offre une vue à couper le souffle sur tout le pourtour du Léman. Faute de pouvoir réjouir les papilles de leurs hôtes, ses responsables ont choisi de les orienter directement vers leurs fournisseurs. «Si vous vous ennuyez de notre féra fumée ou de notre dent-de-lion, allez remplir votre frigo directement à la ferme, ou auprès des épiceries du terroir!», conseillent-ils dans une publication Facebook publiée le 18 mars. Une manière de faire «un peu de pub pour nos copains et fournisseurs» qui, «pour la plupart livrent à domicile, et sans les miasmes.» «Ne pas broyer du noir»
En 2016, Aline et Andrew Antenen avaient quitté leur cher Café du Nord (Rolle) pour reprendre l’Auberge de Berolle, au pied-du-jura vaudois. Contraints de fermer ces derniers jours, ces militants du circuit court et des produits authentiques ont joint la parole aux actes, en allant travailler dans le village d’Apples tout proche, au marché paysan de Roseline Baud, qui leur fournit leurs légumes. «Nous sommes en discussion avec la commune pour ce qui concerne le loyer, et nous avons directement mis au chômage technique nos deux employés», explique le jeune patron. «Une grande partie de nos fournisseurs ont gelé nos factures jusqu’à nouvel ordre et se sont montrés très arrangeants. Roseline nous a proposé de lui donner un coup de main, en échange de quoi elle annulerait la facture de sa dernière livraison. C’est à cinq minutes de voiture de chez nous, et ça nous permet de nous rendre utiles au lieu de rester confinés à broyer du noir.» ________________________________ Hôteliers solidaires des médecins:
GastroLausanne a lancé une initiative visant à rassembler les hôtels désireux d’accueillir le personnel médical très mobilisé en ce moment, en visant particulièrement les employés frontaliers. Le prix de la première nuitée se monte à CHF 49.-, les suivantes à CHF 39-. seulement, avec un service de chambre hebdomadaire et sans déjeuner. Consulter la page Facebook de GastroLausanne pour la liste des établissements participants.