«Placer la restauration au cœur de l’offre»

Interview Caroline Goldschmid – 17 juin 2022
Charles Brusson, le responsable F&B du Hilton Geneva Hotel & Conference Centre, mise sur les produits locaux, les vins suisses, et sur la magnifique terrasse de L’Olivo pour attirer une clientèle locale. Il nous dit aussi ses stratégies face à l’inflation et en faveur de la durabilité.

Vous travaillez en Suisse, au Hilton Geneva, depuis le 21 février dernier. Qu’est-ce qui vous a motivé à quitter Paris?
Charles Brusson: Je travaille pour le groupe Hilton depuis 2016. Au Waldorf Astoria Versailles – Trianon Palace, j’ai occupé plusieurs postes, notamment responsable des banquets et responsable F&B. Hilton Geneva cherchait un responsable F&B. Après Nîmes, Bruxelles et Paris, j’ai saisi cette opportunité de carrière qui me permet d’évoluer au sein d’un groupe dans lequel je me sens bien.

En tant que responsable F&B, quelles sont vos missions?
Le groupe Hilton a repris la gestion de l’établissement durant la pandémie, en octobre 2020, et je suis arrivé au moment de la reprise de l’activité. Il s’agit donc de construire une nouvelle équipe et de mettre sur pied un projet qui consiste à placer la restauration au cœur de l’offre. Je suis avant tout un manager qui est là pour encadrer les équipes, mais aussi pour trouver les meilleurs produits destinés aux différents points de vente, y compris aux banquets et séminaires.

Vous êtes donc un maillon central de la chaîne qui réunit les producteurs d’un côté et les clients de l’autre...
Exactement. Avec le chef exécutif, Emmanuel Garde, nous créons la carte et donc une expérience client. Notre offre de restauration est clairement une plus-value pour notre clientèle, et elle vise aussi à attirer les Genevois.

La pandémie ayant fortement affecté le marché des voyages d’affaires, il s’agit donc pour Hilton Geneva d’attirer une clientèle locale...
Oui, nous voulons capter l’attention des employés de l’aéroport ou ceux des entreprises et résidents du Grand-Saconnex, par exemple. Ce qui représente un défi, car cet hôtel n’est pas (encore) positionné comme un endroit où l’on peut aussi savourer un bon repas sur une terrasse. Mais nous allons y arriver. D’une part parce que cela fait partie de la stratégie du groupe Hilton et d’autre part parce que la restauration prend de plus en plus de place dans les chaînes hôtelières.

Quelle est donc votre ligne au niveau de la restauration proposée à L’Olivo?
Nous mettons en avant les produits locaux et le fait maison. Il y a une balance à trouver entre les classiques qui plaisent à la clientèle internationale, comme le club-sandwich, les plats aux saveurs asiatiques et les plats plus pointus comme le filet de bar cuit à l’unilatérale que la clientèle locale aura le temps de savourer. Sans oublier un menu du jour (un Business Lunch avec entrée, plat et dessert au prix de 45 francs) qui nous permet de travailler des produits fraîchement livrés par les producteurs de la région.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples de producteurs locaux qui fournissent le Hilton Geneva?
Nous sommes en train de réfléchir à un partenariat avec la ferme de Budé, qui nous fournirait régulièrement en fruits et légumes. Sinon, la ferme Chappuis nous livre du porc. Enfin, citons Adalia qui fait du pain avec une farine labellisée GRTA.

Qu’en est-il des vins?
Mon objectif, c’est de démarrer l’été avec une carte qui affiche 70%, voire 80% de vins suisses. Nous travaillons avec des fournisseurs qui regroupent plusieurs caves de la région. Personnellement, j’essaie, autant que faire se peut, de visiter les vignerons avec qui nous collaborons. D’ailleurs, pour les autres boissons comme les jus, je privilégie aussi les marques suisses. 

L’inflation fait rage et le prix des matières premières a pris l’ascenseur. Quelles sont vos stratégies pour combattre ce problème?
Nous avons l’avantage de faire partie d’un grand groupe et donc de pouvoir effectuer des achats groupés. Pour certains produits, le tarif est donc verrouillé, grâce aux grandes quantités que nous commandons. Et en ce qui nous concerne, l’augmentation la plus flagrante se remarque sur l’eau en bouteille: le prix est parfois jusqu’à 70% plus élevé. Ensuite vient la bière, puisque le prix du blé a explosé. Mais, aujourd’hui, je n’ai pas augmenté les prix affichés à la carte du restaurant, car je préfère faire jouer la concurrence entre fournisseurs.

Du côté des clients, constatez-vous qu’ils font davantage attention à leurs dépenses?
Pour ce qui est de la clientèle loisirs, je dirais que la tendance indique une volonté de privilégier la qualité plutôt que la quantité. C’est-à-dire qu’elle voyage moins, mais une fois sur place, elle veut se faire plaisir. Ce n’est donc pas la bourse qui a changé, mais l’exigence.

Quels sont les différents lieux de restauration du Hilton Geneva?
La grande terrasse rattachée au restaurant L’Olivo peut accueillir une centaine de personnes et l’intérieur une soixantaine, le bar fait environ 80 places assises. A l’espace petit-déjeuner, nous pouvons aller jusqu’à 300 couverts. Enfin, la partie banquet, avec deux salles plénières de plus de 1000 et 800 m2 pour des repas jusqu’à 800 personnes.

Qui sont les clients de L’Olivo?
A midi, ce sont majoritairement des clients de la zone aéroportuaire, c’est-à-dire une clientèle locale, qui travaille à proximité de l’hôtel. Le soir, la plupart sont des clients de l’hôtel, même si, en fin de semaine, la clientèle locale commence à être au rendez-vous.

Quelle est votre situation face à la pénurie de personnel qualifié?
Aujourd’hui, nous avons moins de difficulté à recruter. A Paris, durant la pandémie, les collaborateurs travaillaient en coupure. Ici, ce n’est pas le cas: ils commencent le matin ou l’après-midi. Tous nos employés ont également deux jours de congé consécutifs ainsi qu’un week-end par mois. Nous préparons les plannings avec les meilleures conditions de travail possibles. Mais rappelons-le: il s’agit de métiers-passion. Ceux qui ont quitté la branche durant la pandémie n’étaient peut-être pas passionnés... Du côté des managers, nous sommes aussi devenus plus exigeants et préférons prendre le temps nécessaire pour recruter des personnes véritablement engagées. Je vais toujours privilégier le savoir-être au savoir-faire. J’ai d’ailleurs récemment engagé une collaboratrice qui n’avait pas d’expérience, mais elle était tellement motivée que nous avons décidé de la former.

Autre problématique devenue prioritaire désormais: la durabilité. Qu’avez-vous mis en place pour y contribuer?
Au-delà de travailler avec des produits locaux, nous nous efforçons de limiter le gaspillage alimentaire. Nous avons mis en place une série d’actions pour mesurer ce que nous jetons et adapter les quantités de nourriture servies en fonction. En outre, nous collaborons avec l’association caritative genevoise Le CARĒ qui délivre des repas aux plus démunis. Nous leur faisons dons de nos invendus restés en chambre froide.

 

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★ "J'adore cet univers!"

 Adolescent, Charles Brusson (35 ans) voulait devenir cuisinier. Ce qu’il ne deviendra pas, mais l’attrait pour l’hôtellerie-restauration, lui, est resté. Il a notamment étudié à l’école hôtelière Vatel, à Nîmes. «Les postes que j’ai occupés en extra durant mes études ont confirmé ce que je voulais faire. La gastronomie, les vins: j’adore cet univers! C’est le fondement du métier que je fais aujourd’hui.» Et quand il ne travaille pas, il prend le temps de choisir de bons produits et de les magnifier derrière les fourneaux. Chef de rang aux côtés de Michel Kaiser (2 étoiles), réceptionniste, commercial, ou encore directeur des banquets au Trianon Palace: Charles Brusson a occupé de nombreux postes à tous les niveaux hiérarchiques dans plusieurs établissements de renom. Son objectif de carrière? Diriger un hôtel.