Reprise touristique et restauration

Isabelle Buesser-Waser – 27 février 2023
Alors que Suisse Tourisme a annoncé un retour aux chiffres d'avant la pandémie pour les nuitées hôtelières, Martin Nydegger répond aux questions de GastroJournal sur l'importance de cette reprise pour la restauration et l'évolution des pratiques touristiques en lien avec la branche.

Lors d'une conférence de presse tenue le 23 février, Suisse Tourisme, en collaboration avec l’Office fédéral de la statistique et HotellerieSuisse, a dressé un bilan de l’année écoulée et évoqué les développements attendus pour le tourisme suisse en 2023.

En 2022, les nuitées hôtelières ont gentiment retrouvé les chiffres d'avant la pandémie, avec une forte croissance des hôtes venus de Suisse, mais aussi de France, et une belle progression des autres marchés européens et plus lointains, tels que l'Asie (notamment l'Asie du Sud-est) ou l'Amérique du Nord. Certains marchés restent toutefois en retrait, à l'image de la Chine ainsi que du Royaume-Uni, qui subit les effets du Brexit, de la crise économique et d'une inflation record.

Par ailleurs, Suisse Tourisme a également abordé la stratégie mise en place pour 2023, qui mettra particulièrement l’accent sur le tourisme durable et le programme «Swisstainable».

Les résultats de ce bilan et les stratégies futures concernent également la gastronomie. Martin Nydegger, directeur de Suisse Tourisme, répond aux questions de GastroJournal sur l'application de ces éléments dans la restauration. 

Comment le programme «Swisstainable» peut-il se décliner dans la restauration?

Martin Nydegger: Le programme Swisstainable est conçu pour être accessible à tous les prestataires touristiques suisses, quel que soit la nature de leurs activités. Dans le cadre de Swisstainable, il s’agit avant tout de prendre des engagements en matière de durabilité. Dans la restauration, il peut s’agir de l’origine des produits utilisés en cuisine (circuits courts), de favoriser la diversité dans les assiettes et la réduction d’émissions de CO2 ou de limiter le gaspillage alimentaire. Mais toutes sortes d’autres solutions, dans le domaine de la réduction de la consommation énergétique, de la sensibilisation du personnel au développement durable, sont bien entendu imaginables dans le cadre d’une participation à Swisstainable.

Y-a-t-il des différences dans les pratiques touristiques entre les différents marchés?

Les pratiques en matière de gastronomie varient en fonction de la culture d’origine de nos hôtes. Par exemple, les hôtes indiens aiment généralement bien retrouver leur cuisine traditionnelle, même lorsqu’ils voyagent. Cependant, les mœurs et goûts évoluent aussi, influencés par la globalisation, mais aussi par un intérêt grandissant pour les produits locaux. En 2022, le «Swisstainable Veggie Day» a, ainsi retenu l’attention des médias en Inde, pays qui a une longue histoire du végétarisme. Dans ce contexte, nous avons reçu la visite de deux grands chefs indiens – Vicky Ratani et Thomas Zacharias, qui ont voyagé à travers la Suisse pour rencontrer des chef-f-es suisses travaillant principalement des produits locaux et végétariens. C’était un échange d’expériences que les chefs indiens invités ont partagé avec leurs communautés sur les réseaux sociaux. C’est ainsi que la gastronomie permet de construire des ponts entre les cultures et d’inciter les touristes à surprendre leurs papilles.

Le budget de Suisse Tourisme consacré à la gastronomie a-t-il évolué depuis la pandémie?  Est-il similaire pour tous les marchés?

La promotion de la gastronomie est présente dans toutes les campagnes de Suisse Tourisme. Les marchés décident ensuite de l’utilisation du budget à leur disposition selon les différents segments de clientèle ciblés. Le budget de nos différentes campagnes a bénéficié, durant la pandémie, de fonds de relance qui nous ont permis de mettre en œuvre de nouvelles activités et d’étendre la diffusion de nos campagnes sur le plan international.

En 2021, nous avons notamment lancé, dans le cadre du plan de relance, l’initiative «Rendez-vous» avec GastroSuisse et HotellerieSuisse pour que les résident-e-s suisses redécouvrent le plaisir de savourer des repas au restaurant en famille ou entre amis.

En 2022, à travers le «Swisstainable Veggie Day», la gastronomie était au cœur de notre campagne d’automne pour promouvoir la diversité dans les assiettes des restaurants suisses et inciter les restauratrices et restaurateurs à s’engager pour plus de durabilité dans le cadre du programme Swisstainable.

Cet hiver, c’est la fondue et les mille et une façons de s’en régaler qui sont à l’honneur.

Qu'en est-il des pratiques gastronomiques? (Haute gastronomie, découverte des spécialités locales, restauration rapide…) Observe-t-on des différences selon les marchés? 

Au-delà des «classiques» (raclette, fondue, chocolat, etc.), la cuisine suisse séduit par sa grande diversité, en fonction des traditions culturelles régionales. La mosaïque des cultures en Suisse se retrouve dans les assiettes et participe à rendre encore plus passionnante la découverte du pays. La Suisse a, également, une très grande densité de restaurants reconnus par les guides Michelin ou Gault Millau, dont la réputation a franchi les frontières. Cet aspect est un argument touristique, par exemple dans une région comme le Canton de Vaud. La tendance observée actuellement est l’intérêt croissant pour la découverte des produits locaux – qu’il s’agisse de touristes de marchés proches ou lointains. En général, les hôtes accordent de plus en plus d’importance à l’origine des produits qu’ils vont déguster (qu’il s’agisse de restauration rapide ou de haute gastronomie) et s’intéressent toujours plus aux produits locaux. L’engagement pour la durabilité en termes de gastronomie est définitivement une préoccupation toujours plus perceptible auprès de la clientèle touristique en Suisse.

Quelles sont les zones qui profitent le plus de ce retour des touristes en Suisse romande? Observe-t-on de grandes différences?

En 2022, globalement, les régions romandes qui ont le plus profité du retour des touristes (en % en comparaison de 2019 – dernière année touristique «normale» avant la pandémie) sont Jura-Trois-Lacs, le Valais et Fribourg Région. Les résultats sont cependant différenciés pour les régions selon l’origine des hôtes. Toutes les régions romandes ont, ainsi, profité de la forte fréquentation des hôtes résidant en Suisse, Genève et le Valais ont particulièrement bénéficié du retour des hôtes français, alors que le volume des nuitées des touristes des Etats-Unis a été supérieur à 2019 en Valais.

Ce sont principalement les régions de montagne où les nuitées ont atteint quasiment le niveau de 2019 (-0,5%), alors qu’elles étaient encore inférieures de 8% dans les grandes villes.

Voir le tableau ci-dessous, évolution des nuitées de l’hôtellerie (overnights) en 2022 par rapport à 2019 – vue globale et évolution des nuitées générées par les touristes venu-e-s de d’Allemagne, de Suisse et des Etats-Unis.

Selon vous comment la restauration peut-elle mettre à profit ce retour des touristes, notamment dans les zones moins fréquentées?

La valorisation des produits locaux et des circuits courts présente un grand intérêt pour les zones touristiques moins fréquentées, où la découverte du terroir, de lieux d’où sont directement issus les produits que l’on retrouve à la table des restaurants en partenariat avec les artisan-ne-s (fromageries, chocolatiers, maraîchers, etc.), devient un facteur d’attractivité pour les touristes cherchant un «dépaysement gastronomique».