Tourisme

La stratégie de Verbier pour relancer son tourisme

Corinne Nusskern – 26 août 2020
En Valais aussi, cette année n’est pas comme les autres. Dans la fameuse station de sports d’hiver de Verbier et dans le Val de Bagnes, des idées innovantes consistent à attirer de nouveaux visiteurs en été et en automne.

Deux terriers reniflent les vélos recouverts de boue appuyés contre le mur, à côté du Central Tbar, à Verbier. Leurs maîtres prennent une bière. Vététistes de descente, de montagne, cyclistes de course ou de cross: ce sont les skieurs de l’été du plus grand domaine skiable de Suisse, les Quatre Vallées. La région compte environ 800 kilomètres de pistes cyclables, 17 kilomètres de pistes de descente, un parc BMX et 500 kilomètres de sentiers de randonnée balisés. Sinon, il ne se passe pas grand-chose ce vendredi-là. L’été est plutôt calme, encore plus durant cette année noircie par la Covid-19. «Nous avons bien moins de 50% du taux d’occupation habituel», déclare Hugo Perraudin de l’hôtel Ermitage. Le célèbre village valaisan est un exemple pour de nombreuses autres destinations qui souffrent de la même situation. Verbier fait partie de la Commune de Bagnes, qui comprend seize villages et hameaux. Le fait que la région ne soit pas surpeuplée en été et au début de l’automne est une chance: en hiver, jusqu’à 50 000 amateurs de glisse se pressent à Verbier, qui compte quelque 3000 habitants, pour profiter en même temps de 412 kilomètres de pistes skiables. La région offre désormais un équilibre parfait entre activités de loisirs et détente: ceux qui ne sont pas tentés par le vélo, la randonnée, le golf ou le parapente peuvent simplement regarder les sapins pousser dans la nature. Un million de francs investi L’atout de Verbier est le VIP Pass (Verbier Infinite Playground Pass). Il a été lancé il y a trois ans et étendu à la version VIP Pass+ cette année. «La Commune de Bagnes a dépensé un million de francs pour la promotion et la mise en œuvre d’activités», indique Elise Farquet, responsable des relations publiques à Verbier Tourisme. Le Vip Pass+ est remis gratuitement à tous les clients qui passent au moins une nuit à Verbier, au Val de Bagnes ou à La Tzoumaz du 1er juin au 25 octobre, que ce soit dans un hôtel, un camping ou un appartement de vacances. Plus de 50 activités sont ainsi proposées à un tarif réduit voire gratuitement. Par exemple, les circuits gastronomiques dans le cadre du E-Bike Festival. Les 24 kilomètres de parcours comprennent plusieurs haltes gourmandes gratuites, permettant de découvrir les spécialités du terroir valaisan au petit- déjeuner, à l’apéritif, au déjeuner et à l’after-bike. La tournée est proposée sur deux parcours, du jeudi au dimanche jusqu’au 27 septembre. Il y a aussi des piscines, un mini-golf et une balade à cheval – le tout gratuitement. Sans oublier l’atelier du fromage, le cours de cuisine avec le chef étoilé Sebastiano Lombardi et le chef pâtissier Ramon Goñi Perez, au Chalet d’Adrien à Verbier et la dégustation de vins. L’utilisation des téléphériques est gratuite pour les randonneurs; les cyclistes, quant à eux, paient la moitié du tarif normal. Une stratégie bien pensée, que celle qu’applique la destination touristique de Verbier. Le Pass VIP a notamment engendré une conséquence bénéfique: «Souvent, les hôtes n’ont pas payé la taxe de séjour, en particulier lors d’une réservation dans une maison de vacances. Maintenant, ils paient volontiers les quatre francs par jour de taxe pour profiter des avantages», sourit Elise Farquet. Idées folles bien accueillies Un autre point fort est le Palp Festival, qui se tient dans le Bas-Valais de juillet à fin septembre. Le fondateur et directeur Sébastien Olesen (34 ans) a voulu réunir les cultures traditionnelle et contemporaine. L’offre s’étend des expositions à du clubbing dans un amphithéâtre, en passant par un brunch servi à bord du télésiège le plus raide d’Europe et par l’Electrolette, un projet qui combine musique électronique et raclette sur un alpage au-dessus de Verbier. «Certaines de ces idées sont un peu folles, mais le but est de relancer le tourisme en montagne», explique Olesen. «Maintenant, avec le Covid-19, c’est d’autant plus nécessaire.» Concerts accompagnés de délices culinaires Lors d’une randonnée facile au-dessus de Bruson, le long du Bisse des Ravines, Sébastien Olesen nous emmène en haut d’une colline où a été installée une petite scène. «C’est Mia Oud, une chanteuse locale», dit-il. La pétillante jeune femme chante avec ferveur des chansons d’auteur. Pour accompagner le concert, sont servis une bruschetta aux tomates de Saillon de la ferme biologique Reynard et un jus aux framboises de la marque durable et locale Opaline. Deux autres concerts gourmands ont cours: le groupe de rock Tim and the Thieves avec un latte de pommes de terre grillées et, dans une clairière, le groupe folk Snake Doctor se savoure avec un dessert aux fraises émiettées. Quant à l’étape finale de cette balade gourmande, on la sent de loin: la tente à raclette d’Eddy Baillifard. «Monsieur Raclette» En fait, Eddy (57 ans) ne devrait même pas se trouver devant les fours à raclette. A l’âge de 49 ans, l’affable géant a fait une chute de dix-huit mètres alors qu’il était en quad et s’est cassé toutes les vertèbres supérieures. Au centre de réhabilitation, il n’a rien lâché, jusqu’à ce qu’il soit capable de marcher à nouveau. Eddy a été maître fromager pendant trente ans, ainsi que champion du monde et médaillé d’or. Comme il ne peut plus fabriquer le fromage, c’est son fils qui dirige la fromagerie. Et Eddy? En 2015, il a repris la maison de la station de ski désaffectée de Bruson et prépare de la raclette toute l’année depuis. «Seulement du fromage cru, jamais pasteurisé!» De moins en moins d’établissements proposent de la raclette. «Parce que ça pue et qu’il faut deux personnes pour nettoyer le fromage», explique Eddy. Ses affaires marchent bien. Il transforme plus de 80 tonnes de raclette par an, y compris dans les boutiques en ligne, les salons et les événements. Il n’est pas seulement «Monsieur Raclette», mais il connaît aussi par cœur le nom des 180 vaches d’Hérens de Bruson. Ce ne sont pas les siennes, mais celles de ses amis paysans. «Quand j’étais gamin, mes amis faisaient du vélo et jouaient au foot. Moi, j’allais voir les vaches.» Quand il n’est pas avec les bovins, il parcourt le monde pour promouvoir la Raclette du Valais AOP et le terroir valaisan jusqu’aux Jeux olympiques de Séoul, à l’Expo de Milan ou au Festival gastronomique de Nyon.