Un aparté avec un chef étoilé

Caroline Goldschmid – 15 décembre 2022
A Genève, le restaurant L’Aparté porte bien son nom: le chef étoilé Armel Bedouet y présente chaque plat en personne, dans le cadre intimiste de cette table d’une quinzaine de couverts.

A L’Aparté, le menu surprise, de trois ou cinq plats, change tous les jours, selon l’arrivage. Ce qui doit être stimulant pour l’équipe en cuisine, puisque les produits ne sont jamais les mêmes …
Armel Bedouet: En effet, cela rend notre travail encore plus intéressant. Les menus servis sont élaborés selon les interdits indiqués par les clients, comme les allergènes. Et même pour les végétariens ou les véganes, nous nous adaptons volontiers.

En gastronomie, les chefs testent souvent plusieurs recettes différentes avant de créer une carte afin de garantir un certain niveau d’excellence. Ce que vous ne pouvez pas faire en changeant le menu chaque jour …
Nous nous entraînons, nous travaillons en amont. Quand une recette ou une association de saveurs fonctionne, nous l’adaptons à d’autres produits ou ingrédients. Ce qui fait que nous ne partons pas de zéro à chaque fois. Mais il est important de rappeler que je ne suis pas seul: il y a une équipe derrière moi et chacun apporte des idées.

Comment se compose votre brigade?
Nous sommes douze au total, dont deux sous-chefs et trois chefs de partie. L'espace brasserie, le Bistro, est ouvert 7/7 jours et L’Aparté du lundi au vendredi. 

Dans votre cuisine créative, on retrouve de la fraîcheur et de l’exotisme grâce aux herbettes, plantes et autres agrumes qui tiennent une place de choix. Mais le fil rouge, ce sont les produits de la mer?
Eh oui! Je suis breton, il ne faut pas l’oublier! 

N’est-ce pas trop difficile de vivre loin de la mer?
Si je suis resté dans la région de Genève, c’est parce qu’il y a un point d’eau: le lac Léman. J’ai besoin d’être au bord de l’eau, de la voir tous les jours. 

Travaillez-vous aussi les poissons du Léman?
Oui, mais il y en a de moins en moins, malheureusement. Aujourd’hui, le pêcheur m’a appelé pour me proposer cinq ombles chevaliers et je les ai pris. Mais cela n’arrive pas souvent. 

Vous avez décroché l’étoile Michelin en février 2020. Elle a été confirmée en 2021 puis en octobre dernier pour le guide 2022. Quel est votre but?
Mon but, c’est d’aller plus haut. Cela dit, il vaut mieux se maintenir à un certain niveau et assurer une régularité dans la qualité du travail que d’obtenir des résultats variables.

L’Aparté et le Bistro se trouvent au sein de l’HotelRoyal, qui appartient au groupe Manotel. Cette situation vous convient-elle?
Absolument. Il y a un bel échange avec la direction du groupe et nous nous apportons mutuellement puisque la table étoilée aide à promouvoir l’établissement et le restaurant bénéficie du soutien du groupe.

Qui sont vos clients?
A Genève, de manière générale, la clientèle est internationale. Au Bistro, ce sont souvent des hommes d’affaires ou une clientèle locale qui vient manger le plat du jour à midi. A L’Aparté, réputé grâce à l’étoile Michelin et les 17 points au GaultMillau, nous servons aussi des clients qui viennent de toute la Suisse.

Actuellement, le menu «Ephémère» (3 plats) est à 59 francs et le menu «Dégustation» (5 plats) est à 106 francs. Ces prix paraissent très bas pour une table gastronomique …
C’est une volonté du groupe Manotel. Les Genevois vont peu dans les restaurants d’hôtel. Il s’agit donc d’attirer la clientèle et de faire de L’Aparté la vitrine du groupe. Et je crois que nous avons réussi. Nous compensons par le Bistro, les banquets et le room service. Et il est clair que si le restaurant ne faisait pas partie d’un groupe hôtelier, les prix affichés seraient tout autres!

En cuisine, l’équipe en place fonctionne bien et le restaurant est complet: vous êtes donc un chef heureux?
Ça ne se voit pas? (Il rit.) C’est sûr que de constater que le restaurant est régulièrement plein me motive énormément. D’ailleurs, tous les jeudis et vendredis de janvier sont déjà complets à L’Aparté. L’année 2023 s’annonce donc bonne!

 

Chef de partie à 19 ans

Armel Bedouet est né à Vannes, en Bretagne, en 1971. Il se voyait devenir chef à l'âge de 7 ans déjà. Depuis qu'il a entrepris son apprentissage, le Breton a toujours œuvré dans des établissements gastronomiques – étoilés ou affichant plus de 16 points sur 20 au GaultMillau. Plutôt rapide dans son ascension, il est devenu chef de partie à 19 ans. Après avoir travaillé au Château de Locguénolé (deux étoiles), il a quitté la Bretagne pour Divonne-les-Bains. Après le doublement étoilé Château de Divonne, Armel Bedouet a poursuivi son chemin en Normandie, puis en Bourgogne. En Camargue, à Saintes-Maries-de-la-Mer, il a été chef de cuisine pendant trois ans dans un hôtel quatre étoiles. Il est arrivé en Suisse il y a une vingtaine d'années. Au restaurant étoilé le Chat-Botté (GE), il a été durant sept ans le sous-chef de Dominique Gauthier, avec qui il est resté en "très bons termes". Voilà 14 ans qu'il travaille au sein de l'Hotel Royal, appartenant au groupe Manotel. "Quand on m'a embauché, on m'a demandé de ne surtout pas faire de gastronomie", glisse le chef de 51 ans. Pourtant, dès 2010, Le Duo comprenait deux espaces, le "Côté resto" et le "Côté bistro". En 2013, le chef a obtenu 14 points au GaultMillau et 16 points en 2015. "En octobre 2016, on a décidé de faire une partie gastronomique plus réduite pour pouvoir mieux s'occuper des clients, que nous avons baptisé L'Aparté, et qui n'est composée que de quatre tables." Le Bistro, la partie brasserie, existe toujours. En 2020 est arrivée l'étoile Michelin et aujourd'hui L'Aparté affiche également 17 points au GaultMillau. Issu d'une famille de restaurateurs, Armel Bedouet dit avoir "bercé dans les casseroles". Pourtant, voyant ses parents "galérer", il n'a jamais voulu reprendre une affaire. Aujourd'hui encore, cela ne fait toujours pas partie de ses projets.