Gastronomie
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Solutions pour apprentis en manque de pratique

Caroline Goldschmid – 26 février 2021
Les apprentis sont nombreux à être impactés par la fermeture des établissements. Ecoles professionnelles et cantons se démènent pour qu’ils puissent s’exercer. Exemples dans les cantons de Vaud et Valais.

En novembre déjà, Hôtel & Gastro formation Valais s’inquiétait de l’impact des fermetures successives sur les formations des cuisiniers et des spécialistes en restauration. «Nous avons réalisé une enquête auprès des centres professionnels, en demandant notamment à chaque élève s’il travaillait et, le cas échéant, si son patron avait trouvé une solution pour qu’il puisse travailler», indique Stève Delasoie, président d’Hôtel & Gastro formation Valais et vice-président de GastroValais. Il en est ressorti que tous ceux qui étaient employés dans un EMS, un hôpital ou dans une structure d’accueil travaillaient normalement voire plus que d’habitude. Cette première catégorie inclut principalement des apprentis du Haut-Valais. Quant à ceux qui sont en contrat avec des établissements qui font du takeaway, les cuisiniers ont indiqué avoir moins de travail et certains employés de service se retrouvaient à gérer les commandes et à faire de la livraison à domicile pour d’autres; des activités qui s’avèrent en somme éloignées de l’optique métier. Enfin, une troisième catégorie d’élèves (34% des cuisiniers et 51% des spécialistes en restauration) ont déclaré qu’ils ne sont pas actifs et que c’est très compliqué à gérer psychologiquement.

Des ateliers pratiques pour garder le rythme
«Il a donc fallu rapidement trouver des solutions et, en collaboration avec le Service de la formation professionnelle et l’EPCA, nous avons mis en place des journées d’ateliers pratiques et le lieu qui a été retenu pour cela sont les halles de l’Espace Provins à Sion: elles sont grandes et équipées de cuisines», poursuit Stève Delasoie. Côté financier, 80% des frais liés à ces ateliers sont financés par la Confédération et le canton à hauteur de 20%.

Ces journées pratiques ont débuté le 1er février et y participent en priorité les apprentis CFC de 3e année et les apprentis AFP de 2e année. Ils s’y rendent par groupes et un professionnel du métier est avec eux pour les encadrer. «L’idée est qu’ils gardent le rythme et que leur temps de formation soit à jour», précise Stève Delasoie. «C’est organisé par tournus, afin que chacun puisse s’y rendre au moins trois fois.» La halle est réservée jusqu’à fin mars au moins et pourra être utilisée par la suite si la fermeture des établissements devait se prolonger. En attendant la réouverture des restaurants, cette solution transitoire résout les plus gros problèmes engendrés par cette situation extraordinaire que sont le manque de pratique du métier – et avec lui le risque d’échouer les examens finaux –, et le manque de contact social entre les jeunes.

Nouvel apprentissage «Dual-mixte»
Quant au spectre d’une relève qui se fait toujours plus rare, là aussi, le Valais a préféré agir. «Depuis plusieurs années, les effectifs diminuent et nous voulons redonner confiance aux jeunes et à leurs parents afin qu’ils choisissent les métiers de la branche», explique Stève Delasoie. «Nous avons donc imaginé l’apprentissage Dual-mixte qui sera lancé à la rentrée d’août et qui peut se résumer ainsi: une première année en école, ponctuée de stages pratiques, suivie de deux ans en entreprise.» Parmi les objectifs visés? Faciliter la transition entre scolarité obligatoire et monde du travail et accueillir les jeunes à la recherche d’une place de formation même si le marché est momentanément saturé ou perturbé (pandémie, crise économique).

Il s’agit d’une première en Suisse romande et si cette année «laboratoire» porte ses fruits, cette nouvelle méthode d’apprentissage devrait perdurer et sera complémentaire à la traditionnelle formation duale.

Un restaurant éphémère à Vidy

Dans le canton de Vaud aussi, des cours pratiques de rattrapage ont été mis en place pour les apprentis de troisième année (cuisine et service). Ils ont débuté le 15 février et auront lieu jusqu’à mi-mars dans le bâtiment d’Hôtel & Gastro Formation Vaud, à Pully. «Chaque élève a rempli une auto-évaluation afin que l’on puisse déterminer les différents besoins et les lacunes engendrées par le manque de pratique en raison de la fermeture des établissements», indique Eric Dubuis, directeur d’Hôtel & Gastro Formation Vaud. «Nous pouvons ainsi proposer une formation complémentaire à la carte à quelque 70 jeunes. Une catégorie des apprentis, comme ceux employés dans des EMS, sont très occupés alors qu’environ 70% des apprentis spécialistes en restauration ne travaillent pas du tout en ce moment.»

Après les cours de rattrapage, dès le 15 mars, les apprentis pourront s’exercer tant en cuisine qu’au service dans un restaurant éphémère créé à Vidy. «Les cuisines étant occupées par les cours inter-entreprises, nous avons loué le laboratoire des bouchers, qui vient d’être terminé, et la salle d’à côté», poursuit Eric Dubuis. «Le matin, les apprentis suivent des cours théoriques, effectuent des jeux de rôle, pratiquent aussi la vente ou encore s’exercent à l’atelier bar. L’après-midi, les apprentis servent les cuisiniers qui ont préparé le repas de midi et qui font ainsi office de clients factices.»

«Les jeunes souffrent et ce n’est pas négligeable»
En plus des cours de rattrapage et du restaurant éphémère, les apprentis cuisiniers qui ne sont pas du tout actifs ont la possibilité de faire des stages dans des EMS ou dans des hôpitaux. «Pas moins de 80 stages peuvent être proposés à ces jeunes qui ont besoin de pratiquer sur le terrain avec des formateurs. Qu’ils soient en première, deuxième ou troisième année, ceux qui sont intéressés peuvent s’inscrire.» Un quatrième volet vient compléter le dispositif: des cours de préparation aux examens à l’école professionnelle de Montreux. «Chaque élève de 3e année – apprentis cuisiniers et apprentis employés en restauration – suivra ce cours spécial, soit environ 220 jeunes.» Tout le projet a été accepté par le Conseil d’Etat pour trois mois et pourra éventuellement être reconduit si la situation actuelle devait se prolonger. Comme en Valais, ce programme spécial est pris en charge à 80% par la Confédération.

«Au-delà des conséquences sur leur formation, les jeunes souffrent aussi psychologiquement à cause de cette pandémie et ce n’est pas négligeable», insiste Eric Dubuis. «Non seulement ils ne peuvent pas travailler, mais ils subissent toutes les interdictions. A cet âge, les contacts sociaux sont très importants et j’espère vivement que la situation s’améliore au plus vite afin que les jeunes puissent retrouver une vie aussi normale que possible!»