«Nous formons une grande famille et les clients en font partie»

Caroline Goldschmid – 22 janvier 2025
Aligro est une entreprise familiale qui a fêté ses 100 ans en 2023. Entretien avec son directeur général, Dominique Demaurex. Il est question de défis et stratégies, mais aussi de valeurs qui lient collaborateurs et clients.

Aligro a racheté CC Angehrn en 2018. Qu’est-ce que ce rachat a changé et quel est le bilan aujourd’hui?
Dominique Demaurex: Pour notre entreprise, cela nous a permis de devenir un acteur sur le plan suisse. En effet, avant ce rachat, Aligro n’était présent quasiment qu’en Suisse romande et depuis, la marque est devenue nationale avec neuf sites supplémentaires. D’un coup, nous sommes passés de 5 à 14 points de vente. 

Un joli succès, donc, puisque la marque Aligro commence à être installée aussi en Suisse alémanique. Mais le rachat n’a pas été facile à concrétiser ...
En effet, il a fallu faire les choses petit à petit. Les cultures sont différentes des deux côtés de la Sarine et il a fallu s’adapter. Les Suisses alémaniques peuvent être très chaleureux! Cela dit, ils ne travaillent pas tout à fait comme certains Romands: ils souhaitent par exemple avoir des processus mieux définis. 

En dehors des mentalités, il y avait aussi deux cultures d’entreprises différentes ... 
CC Angehrn avait subi durant dix ans la direction de Migros, ce qui est totalement différent d’une entreprise comme la nôtre. Ce choc des cultures passé, nous avons désormais trouvé le mode de fonctionnement qui nous convient, avec des collaborateurs motivés et compétents.

Avec un siège principal à Chavannes-près-Renens (VD) et 14 points de vente en tout – 4 en Suisse romande et 10 en Suisse alémanique –, combien de collaborateurs employez-vous?
Le nombre de collaborateurs ne cesse d’augmenter au fil des ans et aujourd’hui, nous en employons un bon millier. Les points de vente sont moins nombreux en Suisse romande, mais ils emploient plus de personnel. 

L’entreprise familiale que vous dirigez avec votre frère accueille la quatrième génération de Demaurex, puisque trois de vos cinq fils travaillent pour Aligro depuis plus de deux ans. C’est une chance!
Oui, c’est très prometteur. Ils sont âgés de 23 à 28 ans et ont gravi les échelons petit à petit avant d’atteindre des postes à responsabilités. 

Parmi les valeurs-clés de l’entreprise, la famille arrive en premier.
Clairement. C’est d’ailleurs ce qui nous distingue d’autres grands acteurs du marché de gros en Suisse. Nous restons une entreprise de taille moyenne parmi les géants comme Transgourmet (dont Coop est propriétaire). Sinon, certains sont spécialisés dans les fruits et légumes ou dans la viande. Dans le marché de gros, les commerces généralistes ne sont plus très nombreux. Aligro est une entreprise familiale indépendante et c’est ce qui nous distingue. 

Chez Aligro, vous misez tout sur l’accueil du client et le service.
Oui. Nous voulons faire plaisir au client et qu’il expérimente l’efficacité dans la bonne humeur dans notre magasin. Nous inculquons ces valeurs à notre personnel afin qu’il soit dédié à la clientèle. Il s’agit d’être orientés vers les besoins de nos clients professionnels et de penser comme eux. Pour de nombreux collaborateurs, l’interaction avec le client est la motivation numéro un. 

Il y a donc un côté humain, voire chaleureux dans votre approche?
Oui et certains se sont étonnés de voir ici ou là une chaleureuse accolade. Certains font leurs achats chez nous depuis des décennies et des liens se sont créés. On connaît leur nom et on se tutoie. C’est enrichissant de part et d’autre. Le client apprécie sa visite chez nous et ça lui fait comme un bol d’air, une source d’inspiration. Nous, collaborateurs d’Aligro, formons une grande famille et les clients en font partie. 

Les restaurateurs constituent la plus grosse part de votre clientèle. 
Oui, dans la catégorie des professionnels, ils représentent 70 à 80% de nos clients. Il s’agit principalement de petites entreprises familiales et indépendantes, comme des hôtels ou des restaurants d’une centaine de couverts ou moins. On se comprend, car on fonctionne de la même manière et on a les mêmes valeurs.

Au sein de l’entreprise, vous partagez des valeurs chrétiennes ... 
Oui, dans le sens où il est surtout question de respect, de partage et d’honnêteté. Ces valeurs sont chrétiennes, certes, mais sont également les valeurs de l’entreprise. Sans respect ni honnêteté, on ne peut pas travailler correctement.

Ce que peut-être peu de gens savent, c’est que vous employez un aumônier à disposition de vos collaborateurs. Comment ce service fonctionne-t-il?
L’aumônier se tient à disposition des collaborateurs qui souhaitent se confier sur des problèmes d’ordre privé. Cela peut concerner des soucis de couple ou d’endettement, par exemple. Nous estimons que ce n’est pas à l’employeur de régler ces problèmes. Nous avons préféré mettre ce service d’aumônerie à disposition pour aider nos employés. Et il respecte toutes les convictions: ce n’est pas réservé à ceux qui partagent la même foi. En Suisse romande, il travaille à 100% et a un planning des visites des magasins. Si de longs entretiens doivent avoir lieu, cela se passe en dehors des heures de travail. En Suisse alémanique, nous proposons aussi ce service, depuis au moins sept ans.

Quel bilan dressez-vous pour 2024?
Disons que l’année a été contrastée. Elle a bien commencé, mais, à cause de la météo très maussade de l’été, nous en avons subi les conséquences. Comme la grande majorité de nos clients sont des professionnels de la restauration, ceux qui ont des terrasses ne peuvent pas l’exploiter si le beau temps n’est pas au rendez-vous. A la fin de l’été, notre chiffre d’affaires est remonté, heureusement. Dans l’ensemble, le bilan pour 2024 est positif puisque nous avons réalisé une progression. 

Quelles sont les stratégies que vous mettez en place pour faire face à l’inflation et rester compétitif?
Nous faisons tout notre possible pour maintenir les prix au plus bas. Il faut dire que nous ne faisons presque pas de livraison, donc nous n’avons pas subi la hausse des frais des services. Pour que le client se déplace, nous devons démontrer une compétence très forte sur les prix. Il s’agit également d’être honnête et pour cela nous affichons chaque semaine nos prix et évolutions de prix dans nos magasins. Quand les coûts des produits agricoles augmentent, nous sommes obligés d’adapter nos prix. Et quand ils baissent, nous réduisons nos prix. Parfois, nous devons mettre la pression aux fournisseurs qui tardent à baisser leurs prix. Depuis un an, nous avons baissé les prix de 3390 articles. 

Que faites-vous d’autre pour attirer et fidéliser les clients?
Nous effectuons un gros travail en termes de promotions. Chaque semaine, nous avons plus de 2000 articles en promotion. Ces actions sont extrêmement bon marché et cela motive les clients à se déplacer. Pour rappel, les professionnels bénéficient d’un rabais supplémentaire qui peut aller jusqu’à 20% selon les articles. 

L’inflation a moins fait rage en 2024. Quels sont vos autres grands défis?
Je dirais qu’il faut s’adapter au mieux à l’évolution de notre clientèle et à ses besoins. Je pense notamment à la nouvelle génération de clients. Mais il s’agit d’être au service de tous nos clients et pas seulement ceux d’une seule catégorie. Un autre grand défi est de recruter les bons collaborateurs et de les fidéliser. Nous sommes aussi touchés par la pénurie de personnel qualifié qui n’épargne personne apparemment. 

En quoi la demande de la jeune génération de clients est-elle différente?
Cette génération est totalement digitale donc elle va utiliser nos outils en ligne et doit pouvoir consulter nos services en ligne. Nous sommes également présents sur les réseaux sociaux et investissons dans le marketing digital.