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«Les changements structurels se verront avec le recul»

Reto E. Wild – 18 décembre 2020
Le ministre de l’économie Guy Parmelin est l’un des acteurs clés pour notre branche. Il nous parle de l’Ordonnance sur les cas de rigueur, du chômage partiel et de la façon dont il fêtera Noël.

Vous avez été élu président de la Confédération il y a quelques jours. Alors que nous sommes en pleine crise sanitaire, quels sont vos objectifs?

Après les dernières votations, je me rends compte que notre société est marquée par des courants différents. Il n’y a pas que le Röstigraben. Les jeunes ne voient pas les choses de la même manière que les seniors, et le clivage existe aussi entre les citadins et ceux vivant à la campagne. Ce manque de cohésion m’inquiète et je placerai cette problématique au centre de mon année présidentielle.

Parlons politique à présent. Le Parlement dit non à la loi Covid-19 sur les loyers commerciaux. Vous aussi, vous vous opposez à une réduction de loyer pour les entreprises concernées. Pourquoi?

Une analyse structurelle du marché de la location commerciale a montré que la majorité des locataires qui ont cherché une solution en ont trouvé une. Le Conseil fédéral émet d’autres réserves sur cette loi. Premièrement, il s’agirait d’une intervention de l’Etat dans des rapports contractuels entre particuliers. Deuxièmement, une telle intervention ne rendrait pas justice aux relations contractuelles dans des cas individuels. Troisièmement, la solution préconisée par le Parlement soulève de nombreuses questions juridiques. Enfin, avec les dispositions relatives aux cas de rigueur, nous disposons maintenant d’un instrument beaucoup plus efficace que la loi sur les loyers commerciaux. En outre, les cantons peuvent également apporter leur soutien, comme l’ont décidé Fribourg, Genève et plus récemment Bâle-Campagne.

L’aide pour les cas de rigueur est passée de 400 millions de francs à 1 milliard de francs à la mi-novembre. Au départ, pensiez-vous vraiment que 400 millions de francs seraient suffisants?

Cette estimation avait été faite avant la deuxième vague. Le besoin associé de restrictions de la politique de santé sur la vie économique et sociale a fait grimper le risque d’une augmentation des cas de rigueur. Le 18 novembre, le Conseil fédéral a donc demandé au Parlement de porter à un milliard le montant total des aides fédérales et cantonales pour les cas de rigueur.

Et ce milliard de francs devrait suffire à amortir les conséquences économiques de la pandémie?

Ce montant ne concerne que l’aide pour les cas de rigueur. Depuis le début de la pandémie, le Conseil fédéral a mis en place tout un paquet d’aides et de mesures. Avec les RHT et les APG, nous couvrons ainsi un très large spectre. Grâce à l’aide pour les cas de rigueur, les lacunes qui existent encore peuvent désormais être comblées et les entreprises qui ont été particulièrement touchées peuvent recevoir un soutien supplémentaire ciblé. Rien qu’au cours du premier semestre 2020, pas moins de 18 milliards de francs ont été consacrés à des mesures d’amortissement. En outre, un volume similaire de «prêts Covid» a également été émis.

Quelles autres mesures envisagez-vous si ce n’est pas suffisant malgré tout?

Dans le cas où la situation devait se détériorer de manière significative, le Conseil fédéral a proposé une norme de délégation au Parlement pour l’établissement d’un nouveau programme de crédit. Si l’offre de crédit devenait insuffisante le Conseil fédéral serait en mesure de mettre en place un nouveau système de garanties solidaires par le biais d’une ordonnance.

Les cantons peuvent décider des conditions de l’attribution des aides. En conséquence, elles varieront d’un canton à l’autre. Combien de temps cela prendra-t-il environ?

Certains cantons seront probablement prêts ce mois-ci, les autres en janvier voire février 2021. De nombreux cantons doivent demander des crédits supplémentaires pour fournir l’aide nécessaire. Ils travaillent d’arrache-pied pour trouver des solutions rapides. Le Seco examinera et approuvera dès que possible les règlements à soumettre afin que les cantons aient une certitude quant au soutien de la Confédération.

Pour de nombreuses entreprises, si les aides mettent des mois à être versées, il sera trop tard, car les réserves ont été épuisées lors de la première vague. Cela ne vous inquiète- t-il pas?

Nous sommes dans une situation différente de celle du printemps. Les prêts commerciaux réguliers par les banques sont actuellement garantis. Ainsi, les entreprises peuvent obtenir des prêts bancaires à condition que les banques les considèrent comme solvables. Avec le chômage partiel, la Confédération couvre également une grande partie des coûts salariaux. En particulier dans le secteur de la restauration, les coûts salariaux constituent une part importante des charges fixes à moyen terme.

Estimez-vous qu’un ajustement structurel dans le secteur de la restauration soit nécessaire?

Le changement structurel est un processus constant, souvent déclenché par l’évolution technologique ou les tendances sociales. Dans la plupart des cas, nous ne reconnaissons les changements structurels qu’avec le recul. Malheureusement, le Conseil fédéral ne dispose pas d’une boule de cristal qui lui permettrait de prévoir les changements structurels. Personne ne sait avec certitude si la demande reviendra dans tous les services de restauration après la crise. Il est concevable, par exemple, que la demande de voyages d’affaires et d’hôtels diminue avec l’utilisation accrue de la vidéoconférence. Toutefois, il est également possible qu’il s’agisse d’un phénomène purement temporaire. Le Conseil fédéral n’est donc pas non plus en mesure d’évaluer si une adaptation structurelle est nécessaire.

De nombreux médias et membres de la Task Force réclament des mesures plus sévères dans la lutte contre le virus. Mais le Conseil fédéral a choisi une voie pragmatique, sans réagir de façon alarmiste. D’où vient ce revirement?

Il n’y a pas eu de revirement. Nous avons acquis de l’expérience lors de la première vague et durant l’été. La situation actuelle est différente et notre évaluation a changé avec elle. Le Conseil fédéral suit de très près la situation épidémiologique et est prêt à prendre les mesures appropriées si nécessaire.

Vous avez dû rester en quarantaine en octobre: comment l’avez-vous vécu?

Comment vous êtes-vous organisé pour les repas? J’étais chez moi, à Bursins (VD), et bien sûr j’avais mon téléphone et mon ordinateur avec moi. Ma femme, comme toujours, a veillé à ce que je ne meure pas de faim. Et, comme d’habitude, je dispose d’une réserve de nourriture pour les cas d’urgence, y compris une bonne bouteille de vin (rires).

Comment allez-vous passer les fêtes?

Dans notre famille aussi, nous respecterons la réglementation en vigueur dans le canton de Vaud concernant les rassemblements de personnes. Ce sera sans doute un Noël tranquille. Mais comme le dit le chant de Noël: «Douce nuit, sainte nuit ...»