L’Elmira, un précurseur dans la branche?

Reto E. Wild – 26 janvier 2023
Depuis plus de trois mois, le restaurant gastronomique Elmira se trouve au sous-sol du silo Löwenbräu, à Zurich. Il enrichit le secteur de la restauration avec un concept innovant: le client paie le menu et les boissons à l’avance, les employés profitent entre autres d’une semaine de quatre jours.

Traduction: Caroline Goldschmid

«Attendez-vous à l’inattendu», peut-on lire sur la première des 13 petites cartes qui se trouvent sur chaque table et qui informent sur les plats et les boissons qui les accompagnent. Nous nous trouvons à proximité de la place Escher-Wyss, à Zurich, plus précisément au sous-sol de l’ancien silo Löwenbräu. C’est là que le restaurant gastronomique Elmira, qui comprend 26 places, a été inauguré le 5 octobre dernier. Le gérant et sommelier zurichois Nicolas «Nici» Bernet (26 ans), qui a étudié à l’école hôtelière de Lucerne, tutoie généralement les clients. Car ce n’est pas seulement la cuisine – où l’on peut observer le chef Vilson Krasnic (34 ans) et son équipe préparer les plats – qui est ouverte. Le contact avec les clients et l’atmosphère des lieux se veulent également ouverts et chaleureux. Dès la première visite, les clients qui sont âgés de 30 à 50 ans pour la plupart, dont de nombreux couples, ont l’impression d’être en visite chez des amis.

Tirer les leçons des mauvaises expériences

On se rend vite compte que le concept de l’établissement de Zurich a été pensé dans les moindres détails. C’est Loïc Mesqui (39 ans) qui est à l’origine de l’idée. Le membre fondateur et président du conseil d’administration est pourtant monteur électricien de formation. Aujourd’hui conseiller en entreprise et gourmet passionné, il visite des restaurants étoilés une dizaine de fois par an. Avec le cuisinier et membre du conseil d’administration Lukas Alder, qu’il connaît depuis l’école primaire, ils ont noté tout ce qu’ils ont appris de négatif dans la haute gastronomie. Une chose qui a dérangé le président du conseil d’administration de Mirabelle SA, dont fait partie le restaurant Elmira: «Le manque de transparence. Les clients ne savent souvent pas si une coupe de champagne coûte 12 ou 27 francs. Dans les restaurants gastronomiques, ils n’osent pas demander le prix. C’est ainsi que nous en sommes venus à la solution du prix forfaitaire. Lorsque vous allez au théâtre, il est tout à fait normal que vous payiez la prestation avant de venir. Pourquoi n’en serait-il pas de même au restaurant?»

Cela signifie que les clients de l’Elmira paient 290 francs à l’avance pour un menu de sept plats boissons comprises – au choix: vin ou boissons fermentées faites maison. «Grâce à ce forfait réglé à l’avance, les clients peuvent partir après le repas et n’ont plus besoin de mettre la main au porte-monnaie. Peu importe s’ils ont commandé en plus un jus de poire et du tonic, un ou trois cafés ou encore un deuxième verre de vin.» Comme les clients réservent et paient à l’avance, l’équipe qui œuvre en cuisine aux côtés de Vilson Krasnic peut planifier les menus avec certitude et évite ainsi le gaspillage alimentaire. Un jour avant de se rendre au restaurant, le client reçoit un e-mail lui demandant s’il souhaite le menu avec ou sans viande.

Le président du conseil d’administration, Loïc Mesqui, reconnaît toutefois que le prix forfaitaire présente un inconvénient: «Nous recevons des réactions très positives de la part des clients. Les avis des membres de l’équipe sont en revanche plus contrastés. En effet, si les clients ne doivent plus sortir leur porte-monnaie après leur visite, le pourboire fait généralement défaut. C’est un point faible du concept.»

Elmira 028 20230112 DW WEB

Le restaurateur et sommelier Nicolas «Nici» Bernet (à g.)et le chef Vilson Krasnic échangent leurs impressions sur l’accord mets- boissons. Dans les bocaux se trouvent des produits pour de futures compositions de menu (photo: Daniel Winkler)

Semaine de quatre jours et management horizontal

Mais quelles sont les chances d’un succès commercial pour Mirabelle SA? Le conseiller d’entreprise répond une nouvelle fois à cette question avec franchise et honnêteté: «Si l’on veut vraiment faire de l’argent, il ne faut pas miser sur la restauration. En revanche, nous veillons à offrir de bonnes conditions d’emploi, contrairement à d’autres entreprises. Le personnel bénéficie du succès de l’établissement.» Et la semaine de quatre jours fait partie des conditions de travail garanties par Elmira. Le restaurant n’est délibérément ouvert que du mercredi soir au samedi soir. Les collaborateurs ont en conséquence congé du dimanche au mardi. «Dans la branche, cet aspect est capital. Ainsi, le niveau de motivation est extrêmement élevé, même si nous devons travailler douze heures ou plus par jour. Nous voulons être un exemple et montrer qu’il est possible de faire autrement», résume Nicolas Bernet. Et Loïc Mesqui d’énumérer d’autres avantages: «Nous accordons une participation aux bénéfices et l’organigramme est horizontal. Cela permet de lutter efficacement contre la pénurie de personnel qualifié. C’est tout cela qui fait aujourd’hui un employeur moderne.»

Cuisine régionale et de saison

Le restaurant gastronomique Elmira a accueilli une star en la personne de Vilson Krasnic. Au cours des douze dernières années, il a cuisiné dans différentes tables étoilées. A 25 ans, il était déjà chef de cuisine au Dal Mulin, à Saint-Moritz (GR). «Là-bas, je préparais une cuisine alpine influencée par la région. Il s’agissait d’une cuisine française classique et moderne, avec toutes sortes de produits de luxe comme les crevettes géantes et le foie gras. Mais il est dans l’air du temps de travailler dans le respect de l’environnement, d’être plus en harmonie avec la nature», explique le chef.

Selon lui, il n’est pas judicieux de réunir des produits du monde entier dans une même assiette. «En Suisse, il y a une grande diversité de produits. C’est pourquoi nous voulons proposer de la gastronomie, tout en conservant un caractère régional et saisonnier élevé, en le combinant avec des mets végétaux.» Après quelques semaines seulement, le cinquième acte d’Elmira – des poireaux carbonisés avec de l’ail noir fermenté, un jus de légumes et de la crème de volaille et de miso –, est déjà devenu le plat signature. Grâce à la technique de cuisson au four à 220 degrés, le poireau acquiert une structure similaire à celle d’une asperge. La conclusion du chef? «Ce plat est le plus représentatif de notre philosophie. Nous préparons une poudre à partir de la peau carbonisée.» Même le cuisinier le plus expérimenté voit s’ouvrir de nouveaux horizons.

«Nici» Bernet travaille main dans la main avec le chef. Il présente les plats et les accords mets-vins comme s’il le faisait depuis des années: avec éloquence, charme et un ton amical. Il se dit subjugué par les premières réactions de ses clients. «Avec ce concept, nous établissons une relation personnelle avec eux. Nous parlons beaucoup de la nourriture et de ce qui se cache derrière notre philosophie.»

Elmira Lauch WEB

«Signature Dish» (photo: Reto E. Wild)

Un concept à suivre
• Le restaurant Elmira n’est ouvert que du mercredi au samedi (de 18h45 à 23h30), ce qui permet aux employés de travailler quatre jours par semaine.
• Le client paie à l’avance un menu de sept plats qui sera accompagné de jus ou de vin, d’eau et de café, pour un prix forfaitaire de 290 francs. 
• Saisonnière, la cuisine met l’accent sur la durabilité:les ingrédients proviennent d’un périmètre limité. 
• Lors de la réservation à effectuer sur www.elmira.zuerich, le client choisit l’emplacement de sa table. 
• Grâce au paiement effectué à l’avance, la planification des menus permet de lutter efficacement contrele gaspillage alimentaire.