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«Le tourisme en Suisse? Un trésor national!»

Caroline Goldschmid – 09 octobre 2020
La conseillère nationale Jacqueline de Quattro a intégré le comité de la Fédération suisse du tourisme ce printemps. Elle nous dit pourquoi et comment elle se bat pour la branche.

Dans le canton de Vaud, le Conseil d’Etat a ordonné la fermeture des clubs et discothèques le 21 septembre dernier ainsi que le port du masque obligatoire pour les clients dans les bars et les restaurants. Ces mesures vont inévitablement causer du tort à la branche. Comment rassurer les professionnels de l’hôtellerie-restauration, déjà très inquiets pour leur saison automne-hiver? Ces mesures sont très dures, mais elles se justifient, en tout cas dans le canton de Vaud et sur l’arc lémanique, car le nombre de nouveaux cas va grandissant. Si nous voulons sortir au plus vite de la zone rouge et éviter une nouvelle phase de semi-confinement, nous sommes malheureusement obligés de prendre un certain nombre de mesures dans des endroits où les gens se côtoient de près. Personnellement, cela m’a ennuyé de mettre un masque lorsque je suis entrée dans un restaurant, mais une fois assise j’ai pu l’enlever et passer une excellente soirée. Dans un premier temps, cela peut faire fuir les clients, mais ceux qui veulent vraiment manger au restaurant finiront par y aller et verront bien que ce n’est pas si dramatique. Il vaut mieux se plier aux règles de précaution que de faire face à une fermeture des établissements. C’est un mal nécessaire, mais j’espère évidemment que ces mesures seront supprimées le plus vite possible. Vous avez intégré le comité de la Fédération suisse du tourisme (FST) ce printemps. Que souhaitez-vous réaliser à travers cette fonction? J’aimerais soutenir le tourisme de toutes mes forces, parce que je considère que c’est un véritable trésor national. Et je pèse mes mots. Je trouve que notre pays possède énormément d’atouts. J’ai beaucoup voyagé et j’y reviens chaque fois en me disant que nous habitons le plus beau pays du monde. Notre nature est aussi diverse que magnifique, avec des montagnes exceptionnelles, des villes aussi belles qu’authentiques, de nombreux sites inscrits au patrimoine de l’Unesco, des événements festifs de portée internationale, des traditions populaires, un art de vivre qui séduit hors de nos frontières. N’oublions pas que le tourisme est l’un des moteurs économiques de notre pays et certaines régions en sont fortement dépendantes. En 2019, plus de 40 millions de nuitées hôtelières ont été enregistrées, ce qui est énorme. Des dizaines de milliers d’emploi et des infrastructures sont menacés par cette crise. Cela dit, plus que d’un enjeu économique, il est question d’identité, de cohésion: c’est notre responsabilité à tous de protéger ce trésor qu’est notre pays. Moi, j’ai vraiment envie de m’engager dans ce sens. Vous avez d’ailleurs déjà déposé un certain nombre d’interpellations et de postulats ce printemps, afin de pousser notre gouvernement à délier les cordons de la bourse pour soutenir notre économie, notamment les PME et le secteur du tourisme. Mi-septembre, vous avez déposé une interpellation qui a été signée par 36 conseillers nationaux. Elle demande à ce que les tests soient privilégiés plutôt que la mise en quarantaine … Il s’agit d’autoriser les voyageurs – suisses ou étrangers –, en provenance d’un pays à risque à entrer sur le territoire suisse sans observer de quarantaine, à condition qu’ils présentent un test Covid-19 négatif. Aujourd’hui, il existe des tests rapides certifiés. Ils pourraient être effectués à l’aéroport ou dans des centres de test. Un test PCR (prélèvement dans le nez) effectué en Suisse dont le résultat est négatif permettrait aussi aux Suisses d’entrer dans un pays étranger. La démarche n’a de sens que si elle est bilatérale: le Conseil fédéral doit négocier avec les autorités sanitaires des principaux marchés pour le tourisme et l’économie pour qu’elle soit reconnue par plusieurs pays. Cela nous permettrait d’aborder la saison d’hiver avec plus de sérénité. Nos hôtels, restaurants, bars et stations ont besoin des touristes étrangers. Je suis convaincue qu’on peut éviter les quarantaines en étant rigoureux sur les tests, d’autant plus que la quarantaine frappe toute la famille et l’entourage d’une personne ainsi que des secteurs entiers de l’économie. Le test PCR est rapide, dans le sens où cela ne prend que quelques minutes. Là où le bât blesse, c’est le résultat n’est parfois obtenu que plusieurs jours plus tard … Les choses bougent: de nouveaux tests sont sur le point d’arriver sur le marché et le résultat serait alors obtenu au bout de 15 minutes seulement. Je veux que le Conseil fédéral envisage cette solution dès à présent et commence les négociations avec les différents pays, afin que cette nouvelle génération de tests puisse être autorisée au moment où ils seront disponibles. Car il faudra certainement modifier la loi sur les épidémies. Comme vous le dites plus haut, l'ouverture des frontières grâce aux tests rapides n’est possible que si les réglementations d'entrée sont coordonnées. Comment procéder au niveau politique pour mettre fin au chaos actuel? J’ai interpellé le Conseil fédéral sur cette problématique et il m’a répondu que l’Union européenne s’efforce d’harmoniser les mesures sanitaires aux frontières. La Suisse doit participer à ces efforts et je vais veiller à ce que le Conseil fédéral suive de près ces initiatives européennes auxquelles nous devons nous joindre. Certains scientifiques demandent que des mesures encore plus strictes soient prises pour endiguer la propagation du virus. Ce qui pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour la branche. Que pensez-vous de cette marche sur la corde raide entre les précautions sanitaires à prendre et l'économie à préserver? Il faut faire attention à ne pas mettre ces deux aspects en opposition pour éviter que la société ne se polarise. Les mesures doivent donc respecter l’équilibre nécessaire entre les exigences sanitaires et les intérêts économiques. Celles prises par le Conseil fédéral au début de la crise ont été courageuses et justifiées. Maintenant, il s’agit d’aller progressivement dans le sens d’un retour à la normalité. Même si cette normalité ne sera pas la même que celle que nous avons connue avant la crise. Notre branche envisage l'hiver avec beaucoup d’inquiétude, car les clients se sentent moins en sécurité dans des pièces fermées. Comment agir au niveau politique? La Ville de Lausanne, suite à l’interpellation de GastroVaud, a par exemple autorisé une extension facilitée des terrasses et l’installation de chaufferettes durables … C’est juste: les terrasses rassurent beaucoup plus que les lieux fermés. Et le risque est grand qu’avec la baisse des températures les clients n’osent plus se réunir dans les établissements de restauration. Certaines chaufferettes sont problématiques et il ne s’agit pas d’effacer tous les efforts entrepris jusqu’ici en matière d’économie d’énergie. Je rejoins totalement Gilles Meystre lorsqu’il parle d’autoriser aussi des chaufferettes qui fonctionnent avec du courant renouvelable. Cette proposition mérite d’être étudiée. En temps de crise, il ne faut pas rester à cheval sur des principes et permettre des exceptions lorsqu’elles font sens. L'économie suisse traverse une crise sans précédent. Dans quelle mesure la pratique d’arts martiaux – vous êtes ceinture noire 3e dan de judo et de ju-jitsu – vous aide-t-elle, à la fois en tant que politicienne et dans la vie de tous les jours? Les arts martiaux m’ont enseigné l’endurance, le courage et l’humilité. A travers la pratique de ce sport, j’ai aussi appris à ne jamais abandonner. Parfois on se retrouve le nez sur le tapis et ça fait très mal. L’idée est de se relever et de ne jamais oublier pourquoi on se bat. La crise actuelle nous rappelle à tous l’importance de continuer à se battre, tant que l’objectif que l’on s’est fixé n’est pas atteint. Vous étiez candidate au Conseil fédéral. Qu’est-ce qui vous a traversé l’esprit lorsque, le 16 mars dernier, le Conseil fédéral a décrété l’état d’urgence? J’ai eu le sentiment que nous étions en guerre. Ma génération a eu la chance de ne pas connaître la guerre alors que mes parents et mes grands-parents l’ont vécue. En temps de guerre, il faut résister, tenir bon, avoir une certaine discipline. Car nous ne savons pas combien de temps cette crise va durer, mais l’important est de se montrer courageux et de rester optimiste: les beaux jours reviendront !