La Dispensa, unique étoilé du canton de Neuchâtel

Caroline Goldschmid – 27 octobre 2023
Dans l’édition 2023 du Guide Michelin Suisse, le restaurant italien La Dispensa a été le seul à se voir récompenser par une étoile dans le canton de Neuchâtel. Son chef, Gerardo Metta, nous dit sa vision de la cuisine et comment il gère ses deux casquettes puisqu’il est aussi le chef exécutif du Restaurant De La Tour, à Bienne.

«Franchement, cette étoile Michelin, je ne m’y attendais pas! A mon arrivée à La Dispensa, la propriétaire, Pina Gioia, et moi n’avions pas l’intention de miser sur la haute gastronomie. J’ai fait la cuisine que j’aime en m’amusant et avec amour, et voilà, c’est arrivé comme ça!» A 30 ans, le chef Gerardo Metta n’en est pourtant pas à son coup d’essai: à l’âge de 26 ans déjà, alors qu’il était le chef du restaurant Da Mimmo, à Bruxelles, il a décroché sa toute première étoile. C’est aussi lorsqu’il était à la tête des cuisines de cette adresse bruxelloise qu’il a rejoint le classement «50 Top Italy», qui recense les meilleurs chefs et restaurants italiens au monde. A Neuchâtel, le cuisinier originaire des Pouilles assure que cette étoile ne changera rien. «Cette récompense nous rend fiers, bien sûr, et nous fait très plaisir. Nous n’allons pas nous reposer sur nos lauriers et continuer à travailler dur, avec passion.»

Avant cette consécration, l’établissement se remplissait régulièrement. Depuis la sortie du guide Michelin, La Dispensa accueille plus de clients habitués des tables étoilées. Autre différence: avant, les réservations s’effectuaient une semaine à l’avance et maintenant des gens en provenance de toute la Suisse appellent déjà pour janvier. «Nous sommes le seul restaurant étoilé de Neuchâtel, mais nos prix sont plus bas que les tables étoilées situées dans les autres cantons», précise Gerardo Metta.

Des pâtes en trompe-l’œil
Qu’est-ce qui caractérise la cuisine servie à La Dispensa, qui signifie le garde-manger en français? «Je travaille un produit principal de qualité et à la cuisson parfaite, qui sera au centre de l’assiette. A côté, pas plus de deux ou trois accompagnements, avec une sauce. Je mise tout sur l’excellence des produits et des goûts francs. Je ne veux pas que le client ne se perde avec trop de saveurs différentes.» Gerardo Metta aime tout cuisiner, même s’il a une préférence pour le poisson. «Je n’aime pas spécialement le manger, mais j’adore le travailler!» Il cuisine tant les poissons de mer que ceux des eaux suisses, comme la truite et l’omble. S’il fallait déterminer un plat signature, le chef cite les tagliatelles de calamar. «Ce sont des calamars qui ressemblent visuellement à des pâtes. On les cuit, puis on les coupe en lamelles et on les saute. Dans l’assiette, on les recouvre de chapelure, d’ail et de truffe fraîchement râpée. On les accompagne d’une espuma à la truffe.»

Les plats de son enfance revisités
A La Dispensa, on respecte les saisons et on ne badine pas avec la qualité des produits. Certains d’entre eux proviennent directement d’Italie, comme l’huile d’olive, les fèves, les truffes, les citrons. Autant que faire se peut, les produits suisses sont privilégiés. Parmi les plats de son enfance que Gerardo Metta s’amuse à revisiter, on trouve les fèves séchées – que lui préparait sa grand-mère. «Après les avoir fait tremper deux jours dans l’eau, on les saute avec de l’oignon et on en fait une purée très lisse. Cette crème de fèves est posée au fond du plat et est recouverte d’un œuf en trois cuissons (63 degrés, bouilli 3 minutes, puis brûlé au chalumeau). Ce plat est accompagné de châtaignes pour le côté croustillant et d’une émulsion aux clous de girofle.» Le chef trouve son inspiration dans la cuisine de ses origines, tout en «allant plus loin», avec des goûts nouveaux et en ajoutant du peps. «Je fais mille essais avant d’arriver à un résultat qui me satisfait!» Aussi, l’esthétique tient une place très importante pour ce jeune chef. Son secret? Il sert les nouveaux mets qu’il crée pour le business lunch et si les retours des clients sont enthousiastes, on les retrouvera à la carte suivante pour le service du soir.

Entre Neuchâtel et Bienne
Depuis ce printemps, Gerardo Metta est également le chef exécutif du Restaurant de La Tour, à Bienne. Il met un point d’honneur à être présent tous les jours dans les deux restaurants, généralement à midi à La Tour et le soir à La Dispensa. «C’est important pour moi, afin d’être là pour mes équipes, pour les aider. C’est compliqué, mais j’y arrive!» Les cartes des deux restaurants sont très différentes. «J’ai deux sous-chefs, que j’ai formés. Ils connaissent bien ma façon de faire et ça fonctionne. La preuve: même quand je ne suis pas là, les retours des clients sont bons!»

Comme si gérer les cuisines de deux restaurants ne suffisait pas, Gerardo Metta participe aussi à des projets à l’étranger, à Bruxelles et à Dubaï notamment. «Aux côtés d’autres chefs étoilés qui viennent du monde entier, je suis juge pour une société qui évalue des produits alimentaires avant de les mettre sur le marché.» Mais ce que le chef aime par-dessus tout, c’est faire la cuisine. Ces activités annexes lui permettent d’entretenir son réseau et sa créativité.

Des projets, le chef en a aussi côté privé: actuellement en couple, il aimerait se marier et fonder une famille. «La famille, c’est la chose la plus importante dans la vie. On a besoin de quelqu’un sur qui s’appuyer: on ne peut pas faire le chemin seul.»