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«La crise ne doit pas se jouer sur le dos de notre branche»

Reto E. Wild – 15 janvier 2021
Comme toute la branche, GastroSuisse traverse la plus grande crise de son histoire. Quels scénarios le directeur Daniel Borner imagine-t-il en 2021? Que conseille-t-il aux membres? Comment se porte l’association?

Vous entamez votre cinquième année en tant que directeur de GastroSuisse. Que ce soit sur le plan professionnel ou privé, quelles sont vos résolutions pour 2021?

En prenant de l’âge, j’ai cessé de prendre des résolutions. Mais bien sûr, j’ai formulé des objectifs: il est important pour moi de maintenir la performance et la cohésion des collaborateurs de GastroSuisse, même en temps de crise. C’est plus facile à dire qu’à faire, car la pandémie nous ronge et nous use. Malgré la crise, je voudrais améliorer la digitalisation de nos services et faire avancer nos projets. Il s’agit notamment d’aligner plus étroitement le CRM et nos autres services sur les besoins de nos membres.

Et sur le plan privé?

Rester en bonne forme physique. Ce n’est pas toujours si facile, parce que dans les moments où il y a le feu, j’ai peu de temps pour moi. Néanmoins, mon objectif est de continuer à parcourir la Via Alpina, qui traverse les quatorze plus beaux cols alpins. Jusqu’à présent, je n’ai terminé que les deux premières étapes. J’ai besoin de cet équilibre. Au printemps dernier, mon corps a ressenti le manque de mouvement résultant des longues journées passées au bureau.

Depuis le début de la crise, vous avez subi d’énormes pressions. Comment les avez-vous gérées?

Assez bien, en fait. Je pense qu’un certain niveau de forme physique et mentale est nécessaire pour y faire face. Il y a eu des moments où la pression était très forte, et je n’avais alors pas de temps pour faire du sport. J’ai essayé de dormir autant que possible et de marcher au moins jusqu’à la gare.

La branche a besoin de toute urgence d’aides rapides. A quel point comptez-vous là-dessus?

C’est un éternel va-et-vient. Au cours de la session d’hiver, les premiers signes d’une solution pour la branche sont apparus. Elle a fini par être enterrée et la tâche a été déléguée aux cantons. Mais nous n’avons pas relâché nos efforts et avons secoué les portes du Palais fédéral et celles des gouvernements cantonaux jusqu’à la veille de Noël et aussi entre Noël et Nouvel An. Je compte sur un versement rapide des aides à fonds perdu. Les responsables de l’association sont bien conscients de la gravité de la situation et ne cessent de le manifester auprès de tous les interlocuteurs.

GastroSuisse est confrontée à la pire crise de son histoire en raison des mesures prises par les autorités contre le coronavirus. Quel est le champ d’action de l’association?

Pour l’instant, nous concentrons nos efforts pour que les établissements reçoivent de l’argent des cantons le plus rapidement possible. Dès que la situation épidémiologique permettra aux restaurants de rouvrir, nous demandons qu’ils puissent fonctionner selon le concept de protection qui a fait ses preuves au printemps.

Selon l’OFSP, la plupart des personnes infectées par le coronavirus en Suisse le sont au sein de leur propre famille; dans les restaurants, ce taux est de 2,8%. Et juste avant la fin de l’année, il a été révélé que le taux Re est bien inférieur à celui calculé précédemment. Néanmoins, les restaurants resteront fermés au moins jusqu’à fin janvier, voire fin février. En tant que directeur de GastroSuisse, que pensez- vous de cette décision?

J’ai été très surpris par ces annonces. Nous nous sommes toujours appuyés sur l’évaluation de la situation épidémiologique du Conseil fédéral et ne cherchons pas à jouer les experts. Mais le Conseil fédéral se doit d’être crédible et fiable. La crise ne doit pas se jouer sur le dos de notre branche. Pour moi, c’est aussi une question de communication. Quelle est l’intention du CF? Il veut limiter les contacts. Lorsque tout est fermé, la population reste automatiquement à la maison. Le CF devrait dire les choses clairement et indemniser les secteurs en conséquence, comme cela se fait dans les pays voisins.

Personne ne peut prédire ce qui nous attend les prochains mois. Quelle évolution espérez-vous cette année?

Nous vivons des mois d’hiver particulièrement difficiles. Il faut espérer que l’hiver ne sera pas trop rigoureux et que le printemps arrivera rapidement pour que les clients puissent à nouveau s’asseoir dehors. Avec l’augmentation des températures, le virus devrait également moins se propager. Mais même avec l’arrivée des vaccins, il faudra probablement attendre l’automne avant que les choses s’améliorent sensiblement pour notre branche et qu’une certaine normalité s’installe.

Comment les membres de GastroSuisse peuvent-ils faire face aux mesures en constante évolution?

Il est important de continuer à gérer rigoureusement les coûts, d’accorder des vacances aux employés, de demander les RHT et d’étudier toutes les pistes afin d’être prêt au moment de la réouverture. On peut supposer que les restaurants ne seront pas autorisés à fonctionner de suite à plein régime. Toutefois, nous nous opposerons à des restrictions telles que l’heure de fermeture à 19 h. Nous constatons d’ailleurs que les établissements ne sont pas les seuls à souffrir de ces mesures. La façon dont les politiques et la task force communiquent est source d’incertitude pour la population. De nombreux clients ne réservent donc qu’à court terme. Les entreprises doivent également s’adapter à cette situation.

Il y a un mois, GastroSuisse a envoyé la facture de la cotisation à ses membres, exception faite à ceux qui se trouvaient dans un canton où un lockdown était en cours. Quelle est la première tendance?

Malheureusement, nous sommes confrontés à une diminution du nombre de membres. Notre sondage auprès de nos membres montre que près de la moitié des entreprises cesseront leurs activités d’ici la fin mars 2021 si elles ne reçoivent pas une aide financière immédiate. Je ne veux pas jouer les fossoyeurs, mais la situation est dramatique. Le nombre de courriers de la part de nos membres annonçant la fermeture de leur établissement a augmenté ces dernières semaines.

La faute aux mesures de lutte contre la pandémie?

Oui, hélas. Nous avons donc compté avec une baisse de 10% de nos membres dans notre budget annuel.

N’est-ce pas trop optimiste?

Compte tenu de l’évolution constante des mesures, il est vraiment difficile de l’estimer. Nous nous attendons à ce que la baisse de cotisations liées aux salaires soit encore plus importante, c’est-à-dire une baisse de 15%. Nous étions contraints de faire ces estimations à la mi-octobre. Et depuis lors, la situation s’est fortement détériorée.

Quel déficit prévoyez-vous pour GastroSuisse?

Environ 600 000 francs. Grâce à la saine capitalisation de l’association, le déficit peut être absorbé pendant un an. Si nous devions réduire nos effectifs, nous devrions également réduire la palette de nos services, car nous manquons déjà de personnel à tous les postes de GastroSuisse. Nous voulons éviter d’en arriver là et espérons que la reprise aura lieu le plus vite possible. Si les mesures sont assouplies au printemps et que la confiance des consommateurs se renforce rapidement, nous misons sur une baisse de chiffre d’affaires ne dépassant pas 10%.