Infos
Gastronomie

«La clé se situe dans la gestion du personnel»

Caroline Goldschmid – 06 mai 2021
Comment s’est déroulée la réouverture des terrasses en Suisse romande? Prise de température auprès de trois établissements, à Sierre, à Grandvaux et à Fribourg.

Les restaurateurs sont-ils contents de pouvoir retravailler, même si ce n’est que pour exploiter leur terrasse? La réponse est un grand «oui» pour les trois patrons que nous avons contactés. L’activité leur manquait et l’enthousiasme des clients qui ont été nombreux à répondre présents leur a sans conteste redonné le sourire. Cela dit, cette réouverture partielle implique toute une série de questionnements et d’ajustements au quotidien. «La semaine du 19 avril, nous avons ouvert midi et soir avec nos horaires habituels, pour totaliser une centaine de couverts par jour. Mais nous nous sommes très vite rendu compte que la météo va être un critère majeur dans la fréquentation des établissements», annonce Frank Fluckiger, qui gère Terra Brasil, à Sierre. C’est pourquoi le propriétaire de cette churrascaria a décidé d’ouvrir également le dimanche à midi, depuis le 2 mai. «C’est un jour très porteur au niveau du chiffre d’affaires. Après quatre mois de fermeture, les clients ont faim et soif. Il faut battre le fer tant qu’il est chaud!»

Si pour le patron valaisan, la question d’ouvrir ou non ne s’est pas posée, elle a taraudé les esprits des gérants du restaurant Tout un Monde, à Grandvaux. «Nous nous sommes laissé quelques jours de réflexion afin d’être sûrs que dans notre cas, une réouverture vaille la peine», explique Céline Gsponer. Cette dernière avoue avoir été surprise par le court délai mis à disposition entre le jour des annonces du Conseil fédéral (le 14 avril) et la date de la réouverture autorisée (le 19 avril). «Nous avons ouvert le 23 avril, car il a fallu le temps de nous organiser: préparer les commandes, remettre en place le restaurant, relancer la machine en somme!» Très exposée au vent, cette terrasse de Lavaux n’était ouverte que pour le service de midi jusqu’ici. «En revanche, nous avons misé sur un double service, afin de maximiser le nombre de couverts. Et dès ce week-end, nous ouvrirons le soir, car les températures le permettent.»

Stéphane Jaton est à la tête de quatre établissements à Fribourg, dont trois ont une terrasse ouverte actuellement, Lapart, Les Trentenaires et le TM Café. Pour lui et son équipe aussi, le délai s’est avéré trop court et les trois établissements ont rouvert le 21 avril à midi, et dès le 23 le soir aussi. «Le Conseil fédéral semble ignorer qu’un restaurant, ce n’est pas comme une boutique où il suffit d’ouvrir la porte et de passer un coup de serpillère», ironise Stéphane Jaton. Outre l’adaptation des horaires, il s’agit également de repenser la carte des mets, afin de limiter le gaspillage des marchandises puisque la météo peut faire évoluer radicalement la fréquentation d’un jour à l’autre. «Pour le restaurant Les Trentenaires, nous avons réduit la carte. Nous naviguons au jour au le jour ... Et n’acceptons les réservations que le matin même.» A ce sujet, les patrons de Tout un Monde ont opté pour un système différent: «N’ouvrir les réservations que pour le jour même risque de décourager certains clients alors nous les ouvrons à l’avance et les acceptons d’office en avertissant les clients qu’elles seront annulées en cas de météo défavorable.»

Du personnel sur appel
Pour Franck Fluckiger, la plus grosse difficulté lors de la réouverture de sa terrasse a été de trouver du personnel disponible sur appel. «Lorsque la météo s’annonce morose, il faut pouvoir travailler avec un nombre limité de collaborateurs pour éviter de perdre ce que l’on a gagné les jours de grand beau», juge le gérant de Terra Brasil, qui ajoute: «la clé de cette réouverture des terrasses se situe dans la gestion du personnel à la demande». Selon Frank Fluckiger, l’idée est de se constituer une liste de personnes que l’on peut appeler à la dernière minute pour assurer un service de qualité en cas de coup de bourre. «Il faut savoir jongler ...»

A Fribourg, Stéphane Jaton s’est organisé autrement avec ses employés. «Même s’ils sont en RHT, on ne peut pas les appeler à la dernière seconde. Mais le critère de la météo nous empêche de nous organiser à l’avance. Nous avons donc fait un planning plein temps et s’il pleut, ils sont en RHT.» Qu’en est-il de la rentabilité? «Le calcul est à refaire chaque jour. Ouvrir ou toucher les subventions? Il se trouve que nous avons envie de travailler donc nous ouvrons même si ce n’est pas rentable tous les jours. On retrouve la clientèle et on réhabitue nos employés à travailler», estime Stéphane Jaton.

Réouverture complète souhaitée
Malgré un taux de fréquentation très satisfaisant et un premier week-end d’exploitation où les terrasses étaient complètes, les restaurateurs comptent sur une réouverture totale des établissements dès la fin du mois. «Devoir jongler à cause de la météo n’est vraiment pas idéal et nous empêche surtout d’honorer toutes les demandes, faute de place», précise Céline Gsponer. D’autant que, le 30 avril, la police du commerce a rendu son verdict quant à l’exploitation de la véranda de Tout un Monde: elle n’est pas autorisée, malgré les baies vitrées et portes ouvertes ...

Stéphane Jaton abonde dans le même sens: «Cette semaine, nous subissons réellement la problématique de ne pouvoir ouvrir que les terrasses. La météo changeante engendre un vrai casse-tête administratif et financier. Vivement que nous puissions ouvrir à l’intérieur en cas de mauvais temps!»


Frank Fluckiger souhaite lui aussi une réouverture complète, avec une nuance toutefois. «Si cela avait été autorisé dès le 19 avril, j’aurais été sceptique. En Valais, nous avons subi trois fermetures puis trois réouvertures, dont celle du 26 décembre qui a nous a fait perdre beaucoup de marchandise. Le pire, c’est l’effet yoyo, c’est-à-dire une fermeture ordonnée après une réouverture trop précipitée. Si on rouvre, il faut que ça dure!»