Guy Ravet: «J’ai envie d’­explorer autre chose»

Caroline Goldschmid – 11 mars 2022
Le chef étoilé Bernard Ravet prendra sa retraite cet été. Son fils, Guy Ravet, est à la recherche d’un nouveau défi professionnel. Le cuisinier de 38 ans a hâte de mener son propre chemin et se dit «ouvert à toute proposition». Interview.

Pouvez-vous nous expliquer le contexte de votre décision de ne pas reprendre les rênes de l’Ermitage?
Ma sœur Nathalie et moi avons toujours éprouvé beaucoup de plaisir à travailler en famille, mais il était clair pour nous deux qu’une fois que nos parents ne travailleraient plus, nous n’allions pas continuer sans eux. Voilà 15 ans que je travaille à l’Ermitage et j’ai envie d’explorer autre chose. J’aurai 39 ans cette année et j’ai besoin d’avoir mes propres projets. Aussi beau soit-il, l’Ermitage restera à jamais le projet de mes parents.

Est-ce important pour vous d’être reconnu en tant que Guy Ravet et non en tant que «fils de»?
Je serai toujours le fils de mon papa et cela ne me pose pas de problème. J’ai baigné dans ce métier depuis le début, donc je pense être reconnu pour mes compétences de chef de cuisine. L’idée est surtout de choisir mon chemin.

Vos parents ont-ils été choqués par votre décision, alors que l’établissement est aux mains familiales depuis 1989?
Cela a été une surprise pour eux, ça c’est sûr! Ils avaient sûrement l’espoir que nous changions d’avis et ce n’est pas facile pour eux d’accepter notre choix. Cela dit, ils comprennent notre décision et nos excellentes relations nous permettent de continuer à travailler en famille jusqu’à la fermeture, le 31 juillet prochain. Je dois dire que, pour moi non plus, cela n’a pas été facile: j’ai énormément réfléchi avant de prendre ma décision. C’est comme ça qu’on avance, ma foi. Je ne peux pas ne pas aller au bout de ce que j’ai en tête et regretter par la suite de ne pas avoir essayé.

Qu’est-ce que vous allez perdre en quittant l’Ermitage?
On ne perd jamais rien dans la vie! Je me tourne vers l’avenir. C’est un changement de cap qui m’offrira des opportunités. Bien sûr, il y a des choses qui vont me manquer, comme la création des cartes avec mon papa. Mais nous aurons aussi plus de temps en famille pour parler d’autre chose que du travail.

L’Ermitage est une institution en Suisse romande. Avez-vous des critères précis pour la vente?
Nous sommes très ouverts quant à la future exploitation du lieu, mais il faut que ce soit la bonne personne et qu’il y ait une certaine continuité. Le bâtiment a une grande valeur et nous n’allons pas le vendre à n’importe qui! Nous avons la chance de ne pas être dans l’urgence et de pouvoir prendre le temps de bien faire les choses.

Qu’est-ce qui vous attend jusqu’au 31 juillet?
Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous serons bien occupés: il y a une déferlante de réservations depuis l’annonce de la fermeture! Le 17 février, nous avons reçu plus de 300 réservations. Au bout de trois jours, nous comptions déjà 700 réservations, un record absolu. Au 27 février, nous en étions à 2100 réservations! Il reste de la place, mais si ça continue à ce rythme, le restaurant sera bientôt complet. Nous travaillerons normalement jusqu’au 30 juillet et le 31, nous organiserons une fête avec les amis et tous ceux que nous avons envie d’avoir auprès de nous pour passer un moment tous ensemble.

«Je vise un poste avec des responsabilités et des tâches managériales. J’aimerais mettre en pratique toutes les compétences que j’ai apprises.»

Quels sont vos plans pour la suite?
Idéalement, j’aimerais enchaîner avec un nouveau projet dès septembre ou octobre. Je n’ai pas besoin d’une pause pour me ressourcer. Au contraire, je me réjouis de relever un nouveau défi! Je n’ai pas envisagé une année sabbatique, car pour moi l’intérêt aurait alors été de voyager. Ce qui est compliqué, notamment parce que mon fils termine l’école obligatoire cette année et fera ensuite une année de raccord pour pouvoir aller au gymnase.

Voulez-vous continuer sur la voie de la gastronomie?
Evidemment. Je suis né et j’ai grandi dans la cuisine, c’est ma passion. Je vise un poste avec des responsabilités et des tâches managériales afin de ne pas être bloqué derrière les fourneaux toute la journée. Je me suis formé, notamment à l’Ecole Hôtelière de Lausanne, en analyse de données et en marketing digital, et j’aimerais mettre en pratique toutes les compétences que j’ai apprises. Aussi, j’aimerais avoir plus de temps pour ma fonction de président des Grandes Tables de Suisse.

En somme, vous voulez être votre propre patron …
Aujourd’hui, avoir son propre établissement, c’est très compliqué, il ne faut pas se le cacher. Je n’ai pas les fonds propres nécessaires pour acheter un restaurant. Du moins, le genre d’établissement que je vise. J’imagine diriger les cuisines d’un cinq-étoiles, par exemple, mais je suis conscient qu’il y aura peut-être un groupe au-dessus de moi.

L’idée est-elle de rester dans la haute gastronomie ou de prendre le virage de la bistronomie, que plusieurs chefs étoilés ont effectué récemment, à l’image de Didier de Courten?
Ma décision de ne pas reprendre les rênes de l’Ermitage est en aucun cas liée à la pression de diriger un établissement étoilé. Au contraire: la quête de l’excellence me motive! Je suis un hyperactif qui adore travailler. Et les étoiles ou les points au GaultMillau ne sont pas la seule façon d’être reconnu.

Vous a-t-on déjà contacté pour vous proposer de reprendre un restaurant?
Oui, on m’a proposé plusieurs restaurants et même un poste qui n’est pas dans la gastronomie. Je me laisse le temps de faire le bon choix et la demande dans le haut de gamme est très forte, ce qui joue en ma faveur. Je suis ouvert à toute proposition! Nous souhaitons rester dans le canton de Vaud, mais si une belle opportunité se présente ailleurs en Suisse romande, mon épouse et moi sommes prêts à la considérer.

Ermitage des Ravet

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★ Fratrie de trois

Guy Ravet est né le 26 mai 1983, à Pompaples (VD). Il est marié et papa d’un garçon de 15 ans. L’épouse du chef de cuisine travaille en tant que juriste dans les ressources humaines. Guy Ravet a fait son apprentissage
à l’Ermitage (Vufflens-le-Château, VD)puis a étudié à l’Ecole Hôtelière de Lausanne. Il a fait ses armes à Lucerne (Brasserie Bodu), à Paris (au Plaza Athénée avec Alain Ducasse) et à New York (au restaurant triplement étoilé Per Se), avant de retourner à l’Ermitage en 2007. Il œuvre aux fourneaux avec son papa Bernard. Sa maman Ruth est en salle et sa sœur Nathalie y est sommelière ainsi qu’en charge de tâches administratives. Quant à la deuxième sœur de Guy, Isabelle, elle est la future directrice du Panorama ****, à Crans-Montana.