Gérard Rabaey: «Ma décision est prise: je souhaite vendre»

Caroline Goldschmid – 13 novembre 2023
Le restaurant Le Pont de Brent a fermé ses portes le 3 novembre, après avoir fait faillite, alors qu'il était tenu par Amandine Pivault et le chef Antoine Gonnet depuis un an et demi seulement. Le propriétaire des lieux, Gérard Rabaey, nous fait part de sa réaction, de son analyse de la situation et de ses projets.

Comment avez-vous appris la nouvelle?
Gérard Rabaey: En octobre, j'ai pris contact avec Amandine Pivault et Antoine Gonnet pour avoir des nouvelles. Je m'étais rendu compte qu'il y avait moins de fréquentation ces derniers temps. Nous nous sommes rencontrés le 30 octobre pour discuter de la situation du restaurant et c'est là qu'ils m'ont annoncé que le juge devait prononcer la faillite.

Financièrement, ont-ils vu les choses en grand?
Ils sont jeunes, ambitieux et ils ont du talent. Cela dit, ils ont commis des erreurs de jeunesse. Ils ont bénéficié de la réputation du Pont de Brent et de conditions très avantageuses. Tout était en bon état et révisé. Malgré tout, ils ont tenu à faire des rénovations, dont certaines n'étaient pas essentielles dans l'immédiat. Ils ont investi, convaincus que le restaurant allait bien tourner. Et tout cela a un coût.

Au départ, le restaurant a bien fonctionné...
Oui, mais quand on met trop d'obstacles au lieu d'accueillir les clients à bras ouverts, cela pose un problème. Il y avait un certain nombre de contraintes, comme réserver par mail et verser un acompte de 50 francs par personne une fois la réservation effectuée. J'ai entendu de nombreux clients se plaindre face à ce genre de pratiques.

Les avez-vous contactés pour leur proposer votre aide?
En octobre 2022, j'entendais de très bonnes critiques, mais aussi des retours moins enthousiastes de la part des clients. Je me suis permis de les contacter pour les féliciter pour leur étoile Michelin et les 18 points au GaultMillau, mais aussi pour leur dire que certains échos étaient moins, que la conjoncture allait rendre les premiers mois de 2023 difficiles. Je me tenais à leur disposition pour en discuter s'ils le souhaitaient.

Dans la presse, le jeune couple s'est défendu en mentionnant une baisse importante de fréquentation...
Ce n'est pas arrivé par hasard. Rien à dire au niveau de la cuisine, mais il y a eu des couacs, qu'il ne m'appartient pas de juger. Ils auraient pu rectifier certaines choses. La conjoncture ne fait pas tout. Les conditions étaient idéales, ils avaient un objet extraordinaire entre les mains! Et il ne faut pas oublier qu'ils ont les capacités.

Quelle serait la morale de l'histoire?
Il ne faut pas attendre trop longtemps avant de demander de l'aide! Les six premiers mois sont essentiels. Le marché a complètement changé. Il est devenu difficile de trouver du personnel et de le fidéliser. Il faut fonctionner avec moins de personnel et faire un maximum soi-même. Il faut s'adapter au marché, proposer aussi des menus moins chers. Je connais des restaurants qui travaillent malgré tout! Des menus à 180 ou 200 francs, c'est devenu trop coûteux dans la situation actuelle. Avec des menus à 90 ou 100 francs, les clients vont venir plus spontanément. C'est ça qu'il faut comprendre: l'époque a changé.

Le restaurant a fermé ses portes le 3 novembre pour cause de faillite. Quelles sont les conséquences pour vous?
Déjà, tout est bloqué, donc les conséquences pour nous sont avant tout économiques. Je ne pensais pas que la faillite serait prononcée aussi rapidement. J'ai mandaté un agent d'affaires qui va s'en occuper.

Quelle est la suite pour vous?
Je souhaite me séparer de l'établissement, car je suis un peu échaudé. J'aimerais vendre en tant que restaurant, si ce n'est pas possible de louer à nouveau. Je reste ouvert quant à la future exploitation.