Des amis et associés qui forment une famille

Caroline Goldschmid – 25 avril 2025
A la tête du Café de Grancy, du Café Saint-Pierre et de la Brasserie de Montbenon à Lausanne, Christophe Roduit travaille en «famille». Celle qu’il forme avec quelque six associés. Leur moteur? La passion, l’envie et surtout le plaisir d’être ensemble.

C’est l’histoire d’une constellation qui s’est développée autour d’un duo d’amis, Anne Pittet et Christophe Roduit. Ce qui les lie n’est de loin pas le seul fait qu’ils sont nés le même jour à la même heure, un 20 décembre, lui en 1972 et elle en 1974. Dans les années 90, ils participent à la création de l’Abraxas Music Club, à Pully, ainsi que du For Noise Festival. Evoluant dans le monde associatif culturel, l’idée de départ était de continuer à organiser des événements. Jamais ils n’auraient imaginé que, vingt ans plus tard, ils seraient à la tête de trois établissements. «On a monté notre business comme une entreprise familiale», raconte Christophe Roduit. «La passion et l’envie doivent rester le moteur. Avec Anne, on voulait créer un lieu où nous avions nous-mêmes envie d’aller en tant que clients, matin, midi et soir, et qui correspondait à nos envies.»

Une naissance aura lieu tous les cinq ans, à commencer par le Café de Grancy, en 2004. Ce restaurant de quartier emploie une trentaine de collaborateurs et est notamment connu pour ses brunches du dimanche. Situé à deux pas de la gare, il accueille des clients tout au long de la journée. Mahmut Maliqi en est le gérant-associé et Guillaume Rainex le chef de cuisine. Ancien chef d’Anne-Sophie Pic au Beau-Rivage Palace, puis étoilé à l’Eligo, ce dernier est également le chef du Café Saint-Pierre. Né en 2009, le Saint-Pierre est géré par Nicolas Mateos et emploie une vingtaine de collaborateurs. Alors que les tapas y ont longtemps régné en maître, le bistrot a changé de cap en 2024, en devenant un restaurant à part entière. Guillaume Rainex propose désormais une petite carte de plats bistronomiques de saison, midi et soir. Enfin, la Brasserie de Montbenon est la dernière-née de la fratrie et aussi la plus grande, avec une septantaine de collaborateurs. Johan Zeggai en est le gérant-associé, aux côtés de François Grognuz, associé lui aussi et responsable des cuisines des trois établissements.

Un gala a imagé la dynamique du groupe
Et Christophe Roduit, quel est son rôle? «J’accompagne les gérants et les chefs, je navigue entre les trois établissements. Je n’ai pas de tâches spécifiques, j’ai besoin d’être libre. On va dire que je suis le gardien du temple.» Chaque semaine, Anne et Christophe se réunissent avec un gérant. Une fois par année, un souper du personnel réunit les quelque 120 collaborateurs.

Autour des fondateurs Anne Pittet et Christophe Roduit s’est ainsi constitué un noyau central de huit associés. «Nous nous sommes associés avec des gens avec qui on avait un plaisir fou à travailler!», résume Christophe Roduit. Certains étaient d’abord amis, puis sont devenus des collègues. Pour d’autres, c’est l’inverse. «Le noyau s’est étendu petit à petit avec ce constat du plaisir d’être ensemble.» 

Et quand la joyeuse équipe s’amuse, elle ne fait pas les choses à moitié. En décembre dernier, elle a organisé Le Gala d’anniversaire aux Docks afin de célébrer les 20 ans du Café de Grancy, les 15 ans du Saint-Pierre et les 10 ans de la Brasserie de Montbenon. «Nous sommes plusieurs à jouer de la musique et c’est aussi une passion qui nous lie.» Christophe Roduit joue de la basse et s’est produit avec son groupe Chewy dans de nombreux concerts partout dans le monde, dont aux Etats-Unis, au Japon, à Londres. «Ce gala d’anniversaire des 45 ans a imagé, en quelque sorte, ce que nous aimons, soit faire des projets, s’amuser, jouer de la musique, se mettre en danger, sortir du lot, ne pas se prendre au sérieux. Par la même occasion, ce genre de fête entretient l’esprit d’équipe et nous l’avons aussi pensé pour nos collaborateurs.»

Les projets consolident l’amitié
Quand on demande à Christophe Roduit s’il forme une famille avec ses associés, la réponse fuse: «Oui! Dans le noyau central des associés, nous sommes des amis qui avons des compétences complémentaires, ce qui permet de mener à bien ces différents projets. On se challenge et il arrive qu’on s’engueule. On aime autant travailler ensemble, que sortir ensemble. Parmi les collaborateurs, il y a aussi des liens forts, car certains sont là depuis 20 ans.»

N’y a-t-il que des avantages à travailler avec la famille qu’on s’est choisie? «Je dirais que la difficulté réside dans le fait d’accepter que, par moments, on est plus proche d’une personne en particulier, et par moments, d’une autre. L’amitié reste, mais la proximité évolue au fil du temps. Il faut savoir faire la part des choses, comme dans une famille de sang.» Les divergences d’opinions apportent parfois un autre regard, selon Christophe Roduit, et donnent naissance à une nouvelle approche qui sera peut-être la clé de la réussite d’un projet. «D’ailleurs, ce sont les projets communs qui maintiennent et renforcent l’amitié, j’en suis maintenant convaincu.» Le gardien du temple est aussi heureux de travailler «en famille», car «quand on a une baisse de régime on se sent moins seul. Ne dit-on pas: ‹Tout seul on va plus vite, ensemble, on va plus loin›?»