Là où autrefois les chevaux hennissaient et leurs sabots résonnaient sur le sol, il flotte aujourd'hui une odeur d'herbes et d'anis: c'est dans une ancienne écurie à Couvet, dans le Val de Travers, que Philippe Martin produit depuis peu son absinthe. Pas dans n'importe quelle écurie, mais dans celle qui faisait autrefois partie du domaine de la famille Pernod. Cette dernière est arrivée à Couvet à la fin du 18e siècle et a été la première famille à produire de l'absinthe de manière industrielle. Pendant plusieurs décennies, l'ancienne écurie est restée inutilisée. Aujourd'hui, Philippe Martin redonne vie à la maison avec sa distillerie «Absinthe La Valote Martin».
Cet électricien de formation produit environ 8’000 litres de fée verte par an. Il a repris la distillerie de son père en 2014 et c'est également son père qui lui a appris le métier de distillateur. «D'aussi loin que je me souvienne, mon père a toujours distillé de l'absinthe. A l'époque, c'était de façon clandestine, dans la baignoire de la maison», raconte Philippe Martin. Pendant des décennies, la production d'absinthe était en effet interdite par la loi. L'interdiction est entrée en vigueur en 1910. A l'époque, on estimait que l'absinthe provoquait des hallucinations et elle était accusée d’être à l’origine de tous les maux de la société. L'interdiction frappa durement l'économie du Val-de-Travers, de nombreux distillateurs continuèrent donc dans la clandestinité et se considérèrent comme des résistants. C'est le cas du père de Philippe Martin. En 2005, lorsque l'interdiction a été levée, il a fondé sa propre distillerie légale.
L'Aide suisse à la montagne soutient l'assainissement à hauteur de 100’000 francs
Avant que Philippe Martin puisse emménager avec sa distillerie dans l'ancienne écurie, il a fallu procéder à quelques aménagements. «Il fallait un nouveau sol, un nouveau chauffage, nous avons dû isoler les murs, installer de nouvelles fenêtres et refaire toute l’installation électrique. Cela a donné beaucoup de travail», explique Philippe Martin. Etant donné qu’il avait dépensé presque toutes ses économies pour acheter la maison, il ne pouvait pas assumer par ses propres moyens l'investissement d'environ 430’000 francs pour les transformations. C'est pourquoi l'Aide suisse à la montagne l'a soutenu à hauteur de 100’000 francs. «L'absinthe joue un rôle majeur dans le développement économique de la région», déclare Jean-Maurice Rasper, expert bénévole à l'Aide suisse à la montagne. Il ajoute: «L'absinthe attire de nombreux touristes dans le Val de Travers. Il est donc d'autant plus important que des distilleries professionnelles et riches en traditions comme celle de Philippe Martin puissent survivre. Elle conservent ainsi une importante valeur ajoutée dans la vallée».