Crise de l'électricité, une situation urgente

Isabelle Buesser-Waser – 12 septembre 2022
L’Union suisse des arts et métiers, usam, a donné une conférence de presse sur la situation énergétique en Suisse et l'explosion des prix le 12 septembre 2022. Au cours de leurs interventions, Fabio Regazzi, conseiller national et président de l’usam, Hans-Ulrich Bigler, directeur de l'usam, et Casimir Platzer, président de GastroSuisse, ont exposé la situation pour les entreprises, le contexte actuel et proposé des solutions concrètes pour gérer cette crise et stabiliser les prix à court et long termes.

«Je vous le dis dès le départ: je suis très inquiet. En fait, je suis alarmé. Les augmentations des prix de l'électricité peuvent porter un coup fatal à notre économie», a déclaré Fabio Regazzi, conseiller national du Centre et président de l’usam, en ouvrant la conférence de presse. La flambée des prix s'annonce très difficile à supporter pour les entreprises suisses, dont certaines pourraient même disparaître. Le président de GastroSuisse, Casimir Platzer, a présenté deux exemples concrets afin d'illustrer ces propos et de démontrer l'urgence de la situation. Premièrement, un petit hôtel de montagne avait jusqu'à présent des frais d'électricité annuels d'un peu plus de 5000 francs. Cet hôtel doit conclure un nouveau contrat à partir de l'année prochaine. Le producteur d'électricité a fait une offre à l'hôtel pour un nouveau contrat de cinq ans. La première offre aurait impliqué des charges énergétiques de plus de 162'000 francs, soit un montant 32 fois plus élevé. La deuxième implique des coûts de plus de 81'000 francs, ce qui correspond tout de même à une augmentation de prix de 1600%. Le deuxième exemple présenté par Casimir Platzer concerne une entreprise de construction métallique de taille moyenne. En 2022, cette entreprise a payé son électricité au prix actuel de 58'021 francs. Aujourd'hui, elle a reçu une offre avec des coûts de 925'670 francs pour la seule part de l’énergie, soit plus de 16 fois plus.

Par ailleurs, Fabio Regazzi a également souligné qu’en Suisse, l’électricité n’est en aucun cas gaspillée. Depuis 2010, le pays a réduit son intensité énergétique (les kilowattheures consommés par dollar de valeur ajoutée) de 21%, ce qui est beaucoup par rapport à l’étranger. La Suisse présente, après l’Irlande, l’intensité énergétique la plus faible de toutes les économies développées. Selon lui, le mérite en revient aux mesures continues prises par l’économie, en particulier aux programmes de l’Agence de l’énergie pour l’économie AEnEC.

De son côté, le directeur de l’usam Hans-Ulrich Bigler a exprimé sa crainte de voir la Confédération recourir à des mesures de gestion, telles que l’interdiction de certaines activités et le contingentement de l’électricité. Dans ce contexte, le Conseil fédéral est libre, selon lui, de décider quelles activités seront interdites. «Pour de nombreuses entreprises, chaînes de valeur et branches, ces mesures de gestion granulaires et intrusives sont disproportionnées et mettent potentiellement leur existence en danger», déclare le directeur de l’usam.

Solutions

Lors de la conférences de presse, plusieurs solutions ont été abordées afin de gérer cette situation et d'atténuer les conséquences sur les entreprises:

  •  Faire progresser l’extension des capacités de production:
    • La construction de petites installations de toutes les technologies durables au niveau des ménages doit pouvoir se faire sans autorisation. Et ce, dans toutes les zones d’aménagement du territoire.
    • Les grands projets d’énergie hydraulique et éolienne annoncés devraient être exclus de la procédure d’opposition. Jusqu’à ce que les objectifs de développement de la stratégie énergétique soient atteints, il ne doit plus être possible de faire opposition à ces projets.
  • Conclure des accords d’économie d’énergie avec l’approvisionnement économique du pays. Ceux-ci doivent représenter une contribution claire des entreprises impliquées aux économies d’énergie. Ces accords sont mis en œuvre par le biais de plans «bottom up» (n.d.l.r.: approche ascendante) élaborés par les entreprises et les branches elles-mêmes. Dans ce contexte, la branche ou la chaîne de création de valeur est libre de choisir la manière dont elle souhaite mettre en œuvre l’accord.
  • Permettre aux entreprises qui sont sur le marché dit libre de l’électricité de revenir à l’approvisionnement de base. Elles doivent pouvoir le faire si elles le souhaitent, mais sous certaines conditions. La première contrainte est qu’elles doivent respecter un délai de préavis et communiquer leur souhait un an à l’avance. La seconde est qu'elles doivent rester pendant au moins trois ans dans l’approvisionnement de base ou payer une pénalité de 10% maximum sur la partie énergie.

Exigences de l’usam

Dans ce contexte, la plus grande organisation faîtière de l’économie suisse, l’Union suisse des arts et métiers, usam, qui représente plus de 230 associations et quelque 500'000 PME, soit 99,8% des entreprises de notre pays, exige les points suivants:

• un approvisionnement en électricité sûr, avantageux et à faibles émissions de gaz à effet de serre;

• le développement rapide des capacités de production d’électricité et la numérisation des réseaux de distribution d’électricité;

• le renforcement des incitations visant à augmenter l’efficacité électrique dans l’économie;

• le lancement d’un programme national de recherche sur les atouts et les risques des technologies nucléaires;

• la préparation de mesures visant à atténuer les effets d’une pénurie d’électricité;

• la mise en place d’un état-major d’urgence incluant l’économie et les consommateurs d’électricité chargé de préparer et de gérer une situation de pénurie.