Traduction: Caroline Goldschmid
Depuis plus de dix ans, René Schudel travaille avec un groupe d’apprentis au Greenfield Festival, le plus grand festival de rock et de métal de Suisse. «Nous devons montrer à quel point notre métier est passionnant et quelles sont les possibilités offertes par un apprentissage de cuisinier», explique René Schudel pour justifier son engagement. Avec plus de 1500 repas par jour pour la restauration des VIP, des équipes et des artistes et environ 80 000 visiteurs sur l’aérodrome d’Interlaken (BE), le catering du Greenfield Festival exige beaucoup des apprentis et de leurs coachs. Pour ces derniers, la mise en place du festival commence déjà cinq jours avant le début de la manifestation. Dès le premier jour, ils sont responsables de l’approvisionnement de l’équipe du festival. Le mercredi, les apprentis arrivent à l’aérodrome et participent aux derniers travaux de montage, puis ils commencent à cuisiner et à servir.
Une longue tradition
Les apprentis ont cuisiné et fait de la pâtisserie pour la première fois en 2015 à l’aérodrome d’Interlaken. A l’époque, le service traiteur était moins conséquent et il n’y avait pas de service de restauration VIP. La collaboration avec Hotel Gastro Union (HGU) existe depuis 2016. HGU s’occupe du casting des apprentis. Tous ceux qui souhaitent postuler doivent être membres d’HGU et avoir moins de 22 ans. En outre, l’organisation met à disposition une partie du matériel. Elle prend également en charge une grande partie des frais.
Les frais de personnel sont très élevés, comme pour une entreprise de restauration normale, et les attentes des apprentis sont plus importantes. «Les apprentis reçoivent aujourd’hui un pass pour le festival, le gîte et le couvert, un T-shirt du festival ainsi qu’une rémunération de 200 francs et les frais de déplacement», énumère René Schudel. Il dirige le projet depuis le début. Certains des coûts peuvent être subventionnés de manière croisée par l’espace VIP, mais ils dépendent tout de même de donateurs et de partenaires, indique le responsable du projet. «Le fait que nous bénéficions désormais d’un deuxième soutien de premier plan avec ‹Avanti!› nous réjouit énormément.»
«En tant que cuisinier, on a tellement de possibilités!»
Le projet «Sortir de la zone de confort» existe depuis dix ans. Les défis liés au manque de personnel sont apparus peu après. «Quand j’ai fait mon apprentissage de cuisinier, le niveau en Suisse était très élevé en comparaison internationale. On était quelqu’un!», se souvient le chef de 48 ans. «Nous nous sommes ensuite trop longtemps reposés sur nos lauriers. Puis la pandémie est arrivée et le problème s’est encore aggravé: l’attractivité de la branche en a beaucoup pâti», analyse-t-il. «Nous devons rendre nos métiers à nouveau attractifs.»
En premier lieu, il s’agit de faire en sorte que les jeunes restent dans la branche: trop de diplômés quittent immédiatement le secteur. C’est pourquoi René Schudel voulait démontrer toutes les possibilités qu’offre le métier de cuisinier. Même si des apprentis boulangers et pâtissiers sont aussi présents au festival, René Schudel met l’accent sur les cuisinières et cuisiniers. «Je veux montrer aux jeunes les voies qui s’ouvrent à eux avec un apprentissage de cuisinier. En tant que cuisinier, on a tellement de possibilités!», poursuit le chef.Le projet doit servir à motiver les jeunes professionnels de la branche, c’est pourquoi il a été baptisé «Sortir de la zone de confort». «Ils doivent quitter le quotidien et voir ce qu’il est possible de faire avec peu d’outils», explique René Schudel. En effet, lors d’un catering en plein air, les fourneaux et autres appareils de cuisine ne sont pas toujours à disposition, il arrive que l’on cuisine sur le feu. «Mais ce qui m’intéresse avant tout, c’est l’humain», précise le chef. «Qui se cache derrière le cuisinier, le boulanger ou le personnel de service. Celles et ceux qui passent inaperçus dans la vie quotidienne.» René Schudel veut montrer à ces jeunes l’importance et la grandeur de leur métier.
C’est pourquoi il implique également les apprenants dans le processus de création des menus. Il existe certes une grille standard avec des parts de menus végétariens et végétaliens et des menus éprouvés. Mais les apprentis sont impliqués dans la suite du processus et peuvent décider eux-mêmes de ce qu’ils vont cuisiner. L’année dernière, par exemple, un curry de pois chiches avec de l’ananas au gril et de la citronnelle était au menu comme plat principal végétalien, ou de succulentes «BBQ Short Ribs» avec de la bière et de la sauce soja. Les amateurs de poisson ont également trouvé leur compte avec un burger de poisson de style asiatique accompagné de kimchi.
Outre René Schudel, 19 autres coachs sont à l’œuvre pendant les journées intensives du Greenfield Festival. Ils sont tous responsables d’un domaine particulier. Les 20 coachs s’occupent de 40 à 50 apprentis pendant cinq jours. Le nombre varie d’une année à l’autre, en fonction du nombre de candidatures. «En principe, c’est premier arrivé, premier servi, jusqu’à ce que le nombre d’apprentis nécessaire soit atteint», explique René Schudel. Certains apprentis viennent aussi deux fois, lors de leur deuxième année, ils peuvent occuper un poste d’assistant-coach et apporter leur soutien aux plus jeunes. Les jeunes dorment dans des tentes au camping et travaillent en équipes. Les boulangers se lèvent tôt, comme dans la vie quotidienne. Le petit-déjeuner commence à 7 h. Ensuite, les repas sont préparés sans interruption jusqu’à tard dans la nuit. Le travail en équipe est important pour les jeunes, car il leur permet d’avoir du temps libre et de profiter un peu du festival. Les apprentis viennent principalement de Suisse alémanique et du Valais.
En parallèle à ce projet, René Schudel dirige le restaurant Stadthaus, au centre d’Interlaken. Il a déjà engagé des apprentis du Greenfield, dont son actuelle sous-cheffe. «Je n’ai pas à me plaindre, nous avons de la chance et une équipe de longue date.» Ce n’est que pour les postes de direction qu’il est un peu plus difficile de trouver des personnes adéquates. «Interlaken n’est pas le lieu le plus attractif pour les jeunes cuisiniers en herbe», admet René Schudel. Lui-même ne cuisine pas dans le restaurant: «Je ne ferais que gêner.» Il esquisse les menus et discute des recettes avec les cuisiniers. Il cuisine surtout dans sa cuisine d’exposition ou en voyage, pour son émission «Schudel’s Food Stories».
«Avanti!» et HGU s’associent
HGU a mené le projet seule pendant dix ans, mais l’organisation de travailleurs reçoit désormais un soutien de premier plan de la part d’«Avanti!» pour l’année 2025. «Avanti!» est une initiative de GastroSuisse, dont l’une des pierres angulaires est la promotion de la relève. «Nous sommes heureux de collaborer avec HGU et de montrer à quel point la collaboration est importante dans la branche. Ensemble, nous pouvons accomplir beaucoup de choses», déclare Nikolaj März, chef de projet chez GastroSuisse et responsable de l’initiative «Avanti!». René Schudel se réjouit de ce soutien: « Le fait que deux concurrents se battent pour les mêmes causes montre que nous prenons au sérieux le problème de la relève dans notre branche et que nous agissons ensemble pour le résoudre.»
Le Greenfield Festival aura lieu du 12 au 14 juin 2025 sur l’aérodrome d’Interlaken.

Avanti!
«Avanti!» est une initiative nationale lancée en 2022 par GastroSuisse afin d’attirer davantage de personnel qualifié dans l’hôtellerie-restauration et de renforcer l’attractivité de la branche à long terme. L’objectif est d’enthousiasmer les talents pour les métiers de l’hôtellerie-restauration et d’encourager les professionnels existants dans leur développement professionnel. L’initiative s’étend sur plusieurs années et mise sur des mesures ciblées en matière de formation, de formation continue et d’attractivité de l’employeur. Il s’agit notamment de campagnes à l’échelle de la branche, de formations pratiques et de programmes de formation innovants qui facilitent l’entrée dans la vie professionnelle et ouvrent de nouvelles perspectives de carrière.
Plus d’infos sur: www.avanti.swiss